LeBibliobus n° 18 CM - Le Moyen Age PDF. Toutefois, si vous désirez garder pour ordinateur portable, vous pouvez Le Bibliobus CM : Le Moyen Age (le recueil) sauver maintenant. Pour rappel, je suis la programmation qui est là : programmation et qui rassemble les thèmes de CM1 et de CM2 sur 2 ans, de façon spiralaire. QUESTIONNAIRE 1.
Il y avait jadis un roi qui avait un excellent tailleur; ce maître avait à son service une équipe d'employés qui cousaient ce qu'il taillait. Parmi ceux-ce se trouvait un jeune garçon tailleur, nommé Nidui, très habile dans son métier car il savait parfaitement coudre et tailler. A l'approche d'une grande fête, le roi convoqua son tailleur et se fit tailler de très riches habits pour la célébrer fastueusement. Le maître tailleur rassembla son équipe et la mit activement à l'ouvrage. Pour accélérer le travail, le roi délégua son chambellan auprès des apprentis afin de leur fournir tout ce dont ils auraient besoin tout en leur évitant la possibilité de distraire à leur profit la moindre partie des fournitures. Un jour ils eurent pour leur repas du pain et du miel, et bien d'autre choses en abondance. Mais il se trouva qu'à ce moment-là Nidui était absent de l'assemblée. Le chambellan, qui s'en était aperçu, appela le maître tailleur et lui dit"Il serait juste que vous attendiez le retour de Nidui, votre garçon tailleur."Le maître tailleur, avec une finesse déguisée, répondit"Nous l'aurions bien volontiers attendu mais il ne mange pas de miel et il pourra bien manger autre chose à sa suffisance."Quand ils eurent tous mangé, Nidui arriva; il entra dans un violente colère envers ses camarades de travail et leur adressa de vifs reproches"Pourquoi avez-vous déjeuné sans moi ? Il me semble que la moindre des choses était de m'attendre!"Le chambellan lui répondit"C'est bien ce que je leur ai dit; mais votre maître m'a affirmé - et j'ignore dans quelle intention il a agi ainsi - que vous ne mangiez pas de miel et que vous auriez bien assez du reste."Nidui ne pipa mot mais en son for intérieur il chercha la manière de rendre la monnaie de la jour, il vint en grand secret trouver le chambellan et s'adressa à lui à mots couverts"Seigneur, lui dit-il, au nom de Dieu, je vous prie de m'écouter car il faut que vous soyez mis au courant d'une certaine chose périodiquement, à chaque changement de lune, notre maître a des troubles mentaux; il perd le sens et devient fou et si, alors, il n'est pas rapidement ligoté, toute personne qui croise son chemin risque de ne plus pouvoir manger de pain! "Le chambellan répondit alors à Nidui"En vérité, si je pouvais prévoir précisément le début des crises, le le ferai si bien ligoter qu'il ne pourrai vous causer aucun dommage."Nidui répliqua alors"Je vais vous dire comment cela se passe, car j'ai déjà eu l'occasion d'assister à ses crises quand il se mettra à regarder ici et là et à battre de la main l'espace autour de lui et quand il relèvera brusquement en bousculant son escabeau, alors vous pourrez être assuré que c'est ça folie qui le prend et il n'en sortira pas avant d'être ligoté et battu."Le chambellan dit alors à Nidui"Je vais le surveiller du mieux que je le pourrai et quand je verrai les signes avant-coureurs de la crise que vous m'avez décrits, je le ferai ligoter et battre. Plaise à Dieu que, par la suite de sa folie, personne d'entre nous ne perde la vie! "Nidui ne perdit pas de temps il cacha les ciseaux de son maître. Un jour, ce dernier voulut couper une pièce d'étoffe mais il ne put mettre la main sur ses ciseaux; il regarda ici et là et se releva brusquement en bousculant son escabeau pour chercher partout ses ciseaux. Il tapota du pied le sol tout autours de lui et se comporta comme quelqu'un qui aurait perdu la raison. Quand le chambellan le vit agir ainsi, il n'en fut point réjoui il appela aussitôt les apprentis et leur ordonna de ligoter leur maître. Ceux-ci lui obéirent ils lièrent leur maître et le battirent jusqu’à en être complètement fourbus puis il le délièrent. Quand il fit libéré, le maître tailleur demanda au chambellan pourquoi il l'avait fait attacher et aussi vilainement maltraiter."Nidui me l'a conseillé, répondit-il, en me faisant entendre que périodiquement, lors des changements de lune, vous aviez des accès de démence et que si l'on ne vous attachait solidement, l'un ou l'autre d'entre nous pourrait en subit les conséquences."Le maître tailleur appela Nidui"Depuis quand as-tu appris que j'avais périodiquement des accès de folie ?" lui Nidui lui répliqua"Et vous, dites-moi donc aussi depuis quand je ne mange pas de miel! " Le chambellan et tous les apprentis, petits et grands, éclatèrent de rire et ce fut à juste titre, car celui qui trompe son compagnon mérité d'en recevoir la monnaie de sa pièce. Celui qui sème le mal récolte ce qu'il a semé.

Biographiecourte de Michel-Ange - Considéré comme l'un des plus grands peintres, sculpteurs et architectes de son époque, Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange en français, naît le 6 mars 1475 à Caprese, au sein de la République florentine. Après le décès de sa mère en 1481, le père de Michel-Ange se retrouve seul pour élever

La Radio du Lycée Français du Caire Le premier podcast d’établissement scolaire français audio et vidéo Recherche Menu principal Aller au contenu principal AccueilComment ça marche Le Projet Radio du LFC Liens Mentions légales Navigation des articles ← Précédent Suivant → Publié le 18 janvier 2017 par Radio LFC Fabliaux et contes du Moyen-Age sont au programme de français des 6èmes. Des élèves en profitent pour vous raconter l’histoire du Tailleur du roi et son apprenti, d’autres La belle au bois dormant. Lire dans une autre fenêtre TéléchargerSubscribe Android RSS
Moraledu texte le tailleur du roi et son apprenti. Pergunta de ideia deFaridaomar2000 - Français. Articles Register ; Sign In ; Search. Faridaomar2000 @Faridaomar2000. May 2019 1 29 Report. Morale du texte le tailleur du roi et son apprenti . Please enter comments Please enter your name. Please enter the correct email address. Agree to terms and service. You must agree before
Présentation de la pièce “Le bourgeois gentilhomme” Le Bourgeois Gentilhomme est une comédie-ballet en cinq actes de Molière. Paru en 1670, elle développe principalement les thèmes de la tromperie, de l’envie et de l’imposture. Molière nous met en présence de Monsieur Jourdain, un riche bourgeois qui souhaite faire partie des grands de ce monde. Pour ce faire, il va donc s’astreindre à apprendre tout ce qu’un homme de se rang se doit de savoir danse, philosophie, musique, histoire… Monsieur Jourdain va très vite devenir la risée de son entourage tant son attitude dénote une méconnaissance totale de ce qu’est réellement la vie à la cour du roi Soleil. L’intrigue et la farce atteignent des sommets lorsque Lucile, la fille de Monsieur Jourdain, entend épouser un homme du peuple qui, pour gagner les faveurs de Monsieur Jourdain, prétend être le richissime descendant du Grand Turc. Etude des personnages Mêlant musique et danse, Molière a inventé une comédie dramatique dont le thème principal le mode de vie des nobles, et plus particulièrement celui d’un riche bourgeois, Monsieur Jourdain, que l’auteur tourne en dérision. M. Jourdain, le Bourgeois gentilhomme M. Jourdain est le personnage central de l’intrigue. Il possède un caractère très spécial et peu flatteur. Il est capricieux, très naïf et profondément vaniteux. Il est apprenti en gentilhommerie ». Il est amoureux de la marquise Dorimène, autre personnage de ce récit. Cette dernière est veuve sans limite et qui ne cache pas ses intentions envers Dorante, qu’elle épousera d’ailleurs au cours de l’acte IV, au grand regret de Monsieur Jourdain. Dorante et Covielle Dorante est le rival de Monsieur Jourdain, il est dénué de tout scrupule et oeuvre aux côtés d’autres personnages Cléonte, son futur gendre et son valet Covielle, pour lui tendre un piège, lors de son apprentissage de la condition de gentilhomme. Cléonte Fort de son amour, Cléonte dépasse son rôle de gentilhomme pour jouer le libertin et gagner l’amour qu’il attend en retour. Le valet tient un rôle fondamental dans cette mascarade qui tend à ridiculiser Monsieur Jourdain, en se faisant passer pour le fils de l’important Grand Turc. Monsieur Jourdain refuse la mariage de sa fille Lucile, fragile et obéissante. Sa servante, Nicole, est présentée dans un schéma classique des pièces de Molière. Elle est extravagante, a le rire bruyant et possède les caractéristiques de la paysannerie. Elle est d’une décontraction déconcertante et sans complexe en compagnie de son maître. Madame Jourdain Un personnage lie Monsieur Jourdain et Lucile Madame Jourdain, épouse et mère. Peu présente au cours de la pièce, elle n’intervient qu’au cours de certaines scènes pour déstabiliser son époux. Elle contribue effectivement aux intrigues spécialement ficelées pour contrecarrer son époux auquel elle s’oppose ouvertement ou au contraire plus insidieusement. Une panoplie d’autres personnages D’autres personnages moins importants mais non sans intérêt contribue à l’apprentissage de la condition de gentilhomme de Monsieur Jourdain. En effet, Monsieur Jourdain commande un habit chez le tailleur afin de satisfaire aux exigences de sa nouvelle condition. Il se rend donc chez le tailleur, il est pris en charge par le maître tailleur et son garçon tailleur. Fort de cet habit d’apparat, il décide de suivre divers enseignements. Il apprend notamment la danse auprès du maître à danser, qui profite des largesses de son élève mais qui, guidé par sa véritable passion, voudrait qu’il soit capable d’apprécier la danse à sa juste valeur. Pour parfaire son éducation culturelle, des cours de musique lui sont dispensés par le maître de musique qui, contrairement au maître à danser, est un homme davantage guidé par l’argent que par son art. En effet, il pratique l’art pour s’enrichir et Monsieur Jourdain, nouveau Bourgeois gentilhomme, est une véritable poule aux œufs d”or. Aussi, l’élocution de Monsieur Jourdain sera source de drôlerie car son maître de philosophie, au lieu de lui inculquer les valeurs fondamentales de la pensée, et de la philosophie en général, ne se cantonnera qu’à l’enseignement de règles primaires de diction, notamment les mouvements des lèvres dans la prononciation des syllabes, des voyelles et des consonnes. Enfin, le maître d’arme enseigne le maniement des armes à Monsieur Jourdain. Il choisit le fleuret. Une bagarre sera provoquée et les participants, exacerbés par leur passion, seront les maîtres défendant respectivement la primauté de leur art.
Lesmétiers du Moyen Âge nous sont connus par quelques textes, dont le Livre des métiers d' Étienne Boileau, et des ordonnances royales. Les métiers sont généralement organisés en corporations, avec un saint patron propre à chacune. Les corporations se composent de maîtres et de compagnons. À Paris, en 1292, 130 métiers sont
Publié le 06/04/2015 à 1811, Mis à jour le 10/04/2015 à 1132 Francesco Smalto, dans sa boutique parisienne, rue François-Ier, ouverte en 1970. ARCHIVES MASION SMALTO Cet artisan originaire de Reggio di Calabria, à la pointe de la péninsule, monta à Paris à peine majeur et habilla hommes politiques et têtes couronnées de ses costumes à la coupe sobre et architecturée. Il est décédé, dimanche à Marrakech, à l'âge de 87 ans. Bon sang ne saurait mentir, l'Italien Francesco Smalto avait la fibre pour la sculpture comme son père ébéniste. Mais il cherchera néanmoins à se distinguer de ce dernier en faisant de beaux lainages et des tissus d'exception l'unique étoffe de son l'âge de 8 ans, on raconte que le jeune Francesco confectionnait déjà les costumes du théâtre de marionnettes de son village natal de Reggio di Calabria, à l'aide de torchons de cuisine volés à sa mère. Trois ans plus tard, il apprend les rudiments de la coupe en cours du soir, au lieu de faire ses devoirs. À 14 ans, son oncle tailleur le prend sous son aile et lui inculque les bases du métier. Mais l'apprenti ne pense déjà plus qu'à Paris, ses célèbres couturiers et ses grands faiseurs de de la majorité à peine sonné, Francesco Smalto s'empresse donc de faire ses valises, gagne la capitale française sans un sou en poche et s'installe dans une chambre de bonne sans chauffage de la rue de Richelieu en novembre 1951. Très vite, il décroche un stage chez son concitoyen Antonio Christiani, suivi d'embauches successives dans les maisons Vauclair, Nicolle ou Camps. Au sein de cette dernière où il travaille pendant sept ans, il devient premier coupeur et côtoie un autre débutant» transalpin qui ouvrira, lui aussi, sa maison à l'ombre de la tour Eiffel Emanuel Ungaro. Rapidement, sa silhouette se dessine. Elle se situe entre la ligne des artisans napolitains et celle de leurs confrères anglais de Savile Row Toutes ces années de formation pouvaient sembler suffisantes, mais le Calabrais tient tout de même à faire un détour par les États-Unis, pour découvrir d'autres techniques de montage, plus light», influencées par le sportswear, avant de lancer sa propre griffe pour homme dans un appartement de la rue de la Boétie, l'année de ses 35 ans. Rapidement, sa silhouette se dessine. Elle se situe entre la ligne des artisans napolitains et celle de leurs confrères anglais de Savile Row. La vraie différence de Smalto, c'est une quête de légèreté et de souplesse dans l'architecture intérieure des vestes, la composition des entoilages et la simplification des finitions. Il y a aussi l'épaule maison qui se remarque par le montage de la manche en crête, un revers toujours large et cranté haut, la ceinture du pantalon taillée dans le même tissu que le costume…Sean Connery aussi bien que François MitterrandFrancesco Smalto ne cherche pas à révolutionner l'habillement masculin, mais à mettre au point des modèles sur-mesure qui flattent la silhouette de ses clients, quels que soient leurs petits défauts et degré d'embonpoint. Il y a aussi les boutonnières et mille petits points fait à la main qui font toute la richesse de ses créations. Mais ces dernières ne sont bien évidemment pas l'essentiel du savoir-faire de ce véritable tailleur à notre époque où cette terminologie et toutes ces petites finitions ne veulent plus dire grand-chose tant elles ont été galvaudées par des marques qui proposent du demi-mesure ou de la confection personnalisée. D'ailleurs, il n'était pas le dernier à pester sur le sujet dès qu'on lui demandait de raconter son 1970, il ouvre une boutique avec pignon sur la rue François-Ier. Neuf ans plus tard, cet unique magasin parisien de la marque toujours en activité passe de 100 à 600 mètres carrés sur quatre niveaux. Durant ces années 1970 et 1980, le nom de la maison résonne comme une valeur sûre. À l'époque, son savoir-faire, son art et sa constance lui valent d'habiller aussi bien Sean Connery que François Mitterrand, Jean-Paul Belmondo, le roi Hassan II du Maroc, Francis Bouygues et, bien sûr, Charles Aznavour qui, dans Je m'voyais déjà, lui rend hommage sans le citer en chantant Le cœur léger et le bagage mince, j'étais certain de conquérir Paris. Chez le tailleur le plus chic, j'ai fait faire ce complet bleu qu'était du dernier cri». Parmi les clients, il y avait également le président gabonais Omar Bongo à qui le plus français des sartori italiens n'aurait pas fourni que des costumes. Condamné pour proxénétisme aggravé en 1995, Francesco Smalto a dès lors pris ses distances avec la l'année suivante, son bras droit Franck Boclet est nommé directeur artistique de la maison. Cinq ans plus tard, celle-ci est cédée à la société personnelle d'Alain Duménil. En 2007, la jeune styliste Youn Chong Bak reprend les rênes de la création. Depuis vingt ans, le fondateur n'avait plus qu'un rôle de conseiller de la maison qui porte son nom. Et de réserver ses apparitions aux défilés de la griffe, avec cette sobre discrétion similaire à ses créations.
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Après la réunion, les journalistes interviewant le Premier ministre soviétique lui demandèrent comment il se faisait qu’il s’habillait si bien à l’occidentale, et Khrouchtchev répondit que dans l’optique d’un dégel de la Guerre Froide entre les États-Unis et l’URSS, il avait demandé conseil au tailleur italien. Le lendemain, le nom d’Angelo Litrico fut prononcé et écrit dans les journaux du monde entier, en 37 langues différentes, et il fut appelé le tailleur qui, avec ses propres ciseaux, coupa le rideau de fer ». En seulement quatre ans, son atelier s’était rempli d’illustres clients, italiens et étrangers, qui lui ont donné des photos, des œuvres d’art et lui ont garanti une reconnaissance ce moment-là, la Sartoria Litrico habillait des noms illustres du calibre d’artistes tels que Manzù, Carpi, Consagra, D’Orazio, Mastroianni, Caron, Greco, Cagli, Guttuso; des poètes tels que Raphael Alberti, Quasimodo, Ungaretti; des chefs d’orchestre tels que Thomas Schippers, Sinopoli, Caracciolo, Pani, Gelmetti; des acteurs tels que Richard Burton, John Houston, Rossano Brazzi, Amedeo Nazzari, Vittorio Gassman; l’acteur-chanteur Domenico Modugno; des chefs d’État tels que Kennedy, Tito, Peron, Pertini, Nasser, Leskol, Gronchi, Leone, le roi Hussein, le roi Umberto de Savoie, Eisenhower, Mac Milian, Nixon, Kubitschek; Des politiciens italiens tels que Andreotti, Colombo, Preti, Morlino, Tanassi, Malfatti. Parmi ces noms, Christian Barnard, premier chirurgien cardiaque à avoir pratiqué une transplantation cardiaque, qui a réussi à guérir de nombreux enfants atteints de maladies cardiaques grâce également à Angelo, qui payait pour eux des visites auprès de spécialistes à Rome et les frais de déplacement au Cap, à la clinique du chirurgien cardiaque, pour ceux qui devaient être lors, la Sartoria Litrico est restée un atelier incontournable de la haute couture italienne. Aujourd’hui entre les mains de Luca Litrico, le petit-fils d’Angelo, qui après trois générations perpétue la tradition du tailleur italien et continue de mener à bien son travail pour apporter l’élégance et le bon goût aux hommes du monde entier.
Limage représente le jeune Michel-Jean Sedaine, le fils d'un maître maçon parisien qui avait obtenu le statut envié d'entrepreneur des Bâtiments du Roi avant de faire faillite. Orphelin à 13 ans, son fils avait dû quitter le collège des Quatre-Nations et, pour subvenir aux besoins de sa famille, se faire ouvrier, gagnant sa vie comme tailleur de pierre ou comme plâtrier. Plan Texte Notes Citation Auteur Texte intégral Rencontre de Colombe et de quelques autres 1Quand un texte d'archives quel qu'il soit se présente à nous dans sa fausse innocence, nous savons qu'il ne faut surtout pas le prendre au mot, se laisser séduire. Ce texte a un contexte institutionnel judiciaire, administratif, religieux… ; il date d'un moment, vient d'un lieu, émane d'un milieu ; il semble seul de son espèce ou ressemble à quantité d'autres ; il est complet ou incomplet, intact ou mutilé, fragmentaire, effacé, raturé, maculé, calligraphié, gribouillé ; il a un support matériel papier, parchemin ; il est manuscrit ou imprimé et s'entoure ou se charge de signes divers filigrane, marque de papier timbré, foliotation ou pagination, mise en page désinvolte ou rigoureuse, initiales simples ou ornées, illustrations qui sont, pour le spécialiste ou pour le simple habitué, autant de marques d'identité, de reconnaissance, de familiarité. Or, malgré des caractéristiques plus ou moins équivalentes, certains documents retiennent l'attention, suscitent l'intérêt, l'émotion, d'autres non. Pourquoi celui-là et pas un autre ? Le choix d'un texte que l'on décide de commenter pose le problème de la séduction presque dans les mêmes termes qu'entre individus pourquoi lui et pas un autre ? Pourquoi elle et pas une autre ? Il va falloir, en tâchant de l'expliquer, s'expliquer. 1 Le mot équivaut d'abord à trahison », puis tromperie par laquelle on fait tomber quelqu'un e ... 2 La procédure est conservée aux Archives départementales de l'Yonne ADY, sous la cote 9 B 939 ba ... 3 Compagnon », au sens professionnel, celui qui travaille avec un maître-artisan, n'a pas de fémin ... 2Et pour le faire, raconter d'abord, brièvement, l'histoire simple, mais non banale, dont il va être question le récit composite et fragmentaire d'un processus de séduction au sens contemporain du terme1, qui prend naissance et se développe entre un homme marié et une jeune fille, aux dépens et au dépit d'une épouse, devant un public curieux de nouvelles fraîches, les habitants de Vermenton, gros bourg de Basse-Bourgogne2 On est en juillet 1753. Colombe, fille mineure de Jean Bourdillat, cordonnier à Vermenton, est employée comme servante », en réalité apprentie ou ouvrière3, chez Michel Paysan, tailleur d'habits demeurant audit lieu, père de famille, mari d'Anne Mignout. 4 Badiner implique que l'on se touche, souvent dans un simulacre de lutte c'est en badinant que Co ... 5 Littré, dans son Dictionnaire de la langue française, réédit. Gallimard-Hachette, 1968, cite deux ... 6 Marie Larivière, femme de Charles Cantin, serrurier, 34 ans, continuation d'information du 24 juil ... 3L'apprentie et le tailleur travaillent ensemble et tout proches l'un de l'autre, mesurant, coupant, pliant et cousant les étoffes, corps immobiles et mains agiles, langues aussi, badinant ensemble4, dans la position obligée de leur métier qui est d'être assis en tailleur sur l'établi. Position naturelle pour un homme portant culottes, équivoque pour une femme portant jupons et la suite le montre5. Car au terme d'une double instance introduite devant le juge local, d'abord – par Colombe, l'apprentie, puis par l'épouse du tailleur, Anne –, les témoins parlent. Tous fréquentent en voisins, en parents, en amis et/ou en clients la boutique du tailleur, dont l'établi est probablement visible de l'extérieur, tout contre la croisée. Tous et toutes se rencontrent également dans d'autres boutiques d'artisans du bourg, et naturellement dans la rue, sur le pas des portes, avec plusieurs autres voisines, comme l'explique une femme6 c'est l'été, dont les chaleurs, elles aussi, jouent leur rôle dans cette histoire. 4À quelques variantes près – comme d'habitude – ces témoignages se recoupent, centrés sur un petit nombre d'épisodes observés par un témoin ou rapportés à celui qui témoigne, tantôt très brièvement, tantôt avec des développements ou des commentaires qui éclairent progressivement la manière dont les choses se sont passées et le sens qui leur est donné. En version courte par exemple, l'épouse, […] voyant son mari et ladite Bourdillat qui alloient dans leur écurie, elle les suivit et trouva son mari riant et ladite Bourdillat pleurant. 7 Témoignage de Charles Tumereau, menuisier, 41 ans, information du 19 juillet, p. 2. Ce qui laisse le lecteur sur sa faim7. En version longue, l'épouse raconte à une voisine, 8 Mouchoir de col ou mouchoir de gorge ? 9 Témoignage de Dlle Reine Cuisinier, fille de marchand, 20 ans, information du 24 juillet, p. 6. […] qu'un jour ladite Bourdillat qui travailloit chez eux, ayant été dans leur écurie ôter un de ses jupons à cause qu'elle avoit trop chaud, son mari l'y avoit suivie et qu'elle, y étant entrée après eux, elle trouva ladite Bourdillat pleurant, son mouchoir8 détaché ; et que lui ayant demandé ce qu'elle faisoit là et pourquoi elle pleuroit, elle lui fit réponse que c'étoit son mari qui l'avoit embrassée et qu'elle ne vouloit pas de ces manières-là9. Il manque à cette version une autre explication des pleurs de Colombe en repoussant le mari qui voulait l'embrasser, elle 10 Témoignage de la Dlle Toussaine Quincy, fille majeure, 47 ans, 24 juillet, p. 8. […] se donna de la tête contre une échelle10 ! 11 Ibid., p. 11. 12 Ibid., p. 4. Plusieurs variantes. 13 Ibid., p. 9. 14 Un homme, beau-frère de l'épouse du tailleur, témoigne que si elle se plaint, elle n'a pas si gran ... 15 24 juillet, p. 4. 5Les autres épisodes clés, rapportés par les témoins comme étant les principaux griefs de l'épouse, sont que Colombe se mettoit sur l'établi », en travaillant avec le tailleur, vis-à-vis de lui, les jambes croisées », voire les jambes l'un dans l'autre »11 ; qu'elle est allée, un jour de fête et malgré la défense de son père, rejoindre le tailleur au bourg voisin de Cravant et lors qu'elle l'eut trouvé elle lui dit Mr Paysant, que vous êtes donc joli ! »12 ; qu'à la foire dernière, l'épouse du tailleur ayant acheté deux couteaux, l'un pour elle, l'autre pour son mari, le mari dit à sa femme il en faut acheter un pour Colombe Bourdillat, parce que vous avez perdu le sien »13, mais il y a une autre version très différente de l'histoire du couteau14 ; et enfin que l'on alloit faire une chanson sur ledit Paysan, sa femme et ladite Colombe »15. 6Des hommes aussi bien que des femmes sont appelés à témoigner, mais celles-ci sont logiquement plus nombreuses il s'agit d'un conflit entre femmes, ce sont leurs amies, voisines ou collègues de travail qui ont vu et qui parlent. Or, ce que les témoins masculins retiennent ou veulent retenir du comportement des trois protagonistes, et surtout de l'apprentie et de l'épouse, c'est essentiellement une gestuelle comment elles se tiennent, ce qu'elles font, etc. En revanche, les femmes s'attachent à rapporter en détail à la fois des situations et des dialogues qu'elles jugent significatifs, et qui le sont en effet. Il paraît clair que les hommes n'entendent pas accorder trop d'importance à cette histoire de femmes », tandis que celles-ci s'y impliquent beaucoup plus directement. Un juge et des témoins 7Devant la propagation des rumeurs et l'imminence du scandale, c'est la séductrice présumée, Colombe, qui porte plainte la première devant le juge local, affirmant avoir été traitée, par des gens qu'elle ne nomme pas, de […] putain, salope et autres invectives semblables… lesquelles ne tendent à rien moins qu'à ternir la réputation, la probité et l'honneur de la suppliante. 16 Elle déclare ne savoir signer, contrairement à plusieurs femmes qui seront citées à comparaître. E ... 17 Tableau généalogique, p. 75 Elle demande la permission au juge d'en faire informer, première étape d'une procédure judiciaire. Mineure, elle a naturellement agi sous l'autorité de son père, qui l'y autorise et qui probablement l'y a fermement invitée, car à travers sa fille, c'est sa propre réputation qui est en jeu16. Son âge n'est pas précisé mais, par d'autres sources, nous savons qu'elle a environ vingt-deux ans, tandis que le tailleur en a vingt-huit17. 8Le juge, prévôt royal de Vermenton, fait son travail. Il donne à la plaignante permission de faire informer, par-devant lui, des faits incriminés ». Défilent alors les témoins. Mais l'épouse du tailleur s'est plainte, de son côté, du comportement de Colombe avec son mari et implicitement, de son mari avec Colombe. Ce qui suscite une contre-enquête de la part du même juge, avec comparution d'autres témoins. 18 Témoignage de Charles Tumereau, menuisier, 41 ans, 19 juillet, p. 1. 19 Témoignage de Catherine Bonnet, 39 ans, épouse du précédent, ibid., p. 4. 9Or ceux-ci ne se départagent pas, comme on pourrait s'y attendre, en deux camps. C'est plutôt une convergence de points de vue qui s'exprime, plus sévère dans l'ensemble pour l'épouse que pour l'apprentie voilà bien du bruit pour pas grand'chose », déclare un témoin masculin18, qui ce disant ne reste pas neutre » mais définit la position qu'il entend adopter dans l'affaire et qui est celle d'une partie des comparants. Ils disent, et veulent ainsi signifier, que Colombe est une honnête fille » mais qu'elle devrait savoir que les mauvaises contenances donnent occasion aux gens de mal parler »19, tandis qu'Anne, l'épouse légitime, se déconsidère et prend des risques de sanction pénale en parlant de l'apprentie comme de la putain de son mari ». Pour d'autres, Anne a quelque raison de se méfier et de se plaindre, à condition de mesurer ses termes, car il est 20 Ibid., p. 3. […] honteux qu'une femme fasse parler de cette façon sur son compte et sur celui de son mari20, 21 Marie Larivière, 34 ans, rapporte les propos d'Anne Mignout au sujet de Colombe et de son mari et ... et elle doit éviter de manifester ouvertement et violemment bien qu'en paroles seulement sa jalousie »21. Ainsi les commentaires des témoins diffèrent et se rejoignent en même temps, mais essentiellement sur le comportement des deux femmes. On évoque peu et surtout on ne juge pas celui du mari, alors qu'il se montre tantôt entreprenant, tantôt réservé mais toujours devant témoins !, qu'il ne se gêne guère pour susciter et entretenir la rivalité entre Colombe et Anne, enfin qu'il est le grand responsable du scandale il lui suffirait de renvoyer son apprentie pour faire taire la rumeur. Mais voilà, l'épouse elle-même s'y oppose, […] parce qu'ils avoient beaucoup d'ouvrage, par conséquent besoin d'ouvrières, et surtout, avoue-t-elle à une voisine, parce qu' 22 Toussaine Quincy, 17 août, p. 10. […] elle appréhendoit que Colombe et son mari ne se vissent en secret… et qu'elle alloit faire dire une messe du Saint-Esprit pour qu'il se détachât d'elle22. De la lecture à l'interprétation 10On ne résume pas sans dommage plus de trente-cinq pages d'une procédure à laquelle il manque des pièces importantes l'interrogatoire des deux plaignantes, notamment et dont presque chaque témoignage apporte une nuance, un élément nouveau, une légère contradiction au précédent. Pourtant, on retire de sa lecture une impression globale de véracité et de cohérence, d'autant plus rassurante que la réalité transmise par les témoins ne se réduit pas à ce qu'ils racontent, mais s'étend à ce qui, pour eux, va de soi et s'exprime à leur insu. 23 Henry Boudin le jeune, vigneron, 17 août, p. 3. 24 Et les auditrices du séminaire pratique d'archives d'observer que le tailleur fait donc des robes, ... 11Cette réalité si perceptible pour quiconque fréquente ce genre d'archives judiciaires voire les campagnes d'aujourd'hui, c'est d'abord l'intensité et le naturel des liens de sociabilité entre individus des deux sexes, dont le métier, le domicile, le statut social et l'âge diffèrent, mais qui agissent comme si, ces marqueurs d'identité dûment précisés et reconnus, le reste allait de soi. Précisons à l'intérieur d'un espace de familiarité aux contours assez flous mais où tout le monde se connaît ou du moins peut être facilement identifié. L'étranger n'a pas à venir de loin, il suffit qu'il soit inconnu. Dans cet espace d'interconnaissance, ce qui va de soi, par exemple, c'est que le vigneron qui travaille à biner et essoumasser » les vignes du tailleur soit invité plusieurs fois à souper, chez lui quand il lui apporte, le soir, des javelles pour allumer son feu… et dès lors puisse témoigner qu'il a vu Colombe et le tailleur badiner ensemble et s'embrasser, qui est tout ce qu'il a dit savoir »23. De même, il est tout naturel, pour une femme qui vient pour acheter de la toile », de traverser la boutique du tailleur et d'aller dans une chambre de derrière » où l'épouse vient d'essayer un corps », vêtement qu'elle a fait essayer aussi à Colombe, pour qui il est trop grand24. Intimité, donc, des deux rivales, réunies pour cet essayage, intimité aussi avec l'arrivante, qui, s'adressant à l'épouse, commente 25 Nourrice car nourrissant alors un bébé un témoignage la décrit tenant un enfant dans ses bras, c ... [Si cette robe ne va pas à Colombe], cela n'est pas étonnant, puisque vous êtes nourrice25 et qu'elle n'est qu'une fille, sous-entendu, à la poitrine menue. Avis partagé par le tailleur, qui a probablement suivi la conversation depuis sa boutique et qui survient disant 26 Témoignage de Claudine Lardri, 65 ans, 17 août, p. 11. Je parie qu'elle n'a pas de si gros seins que moy26 ! 12Cette faculté d'entendre et de voir et cette propension à écouter et à regarder d'une pièce à l'autre, d'une maison à une autre ou à la rue, tout ce qui se fait et se dit, relèvent de cette manière de vivre, de cette culture de voisinage que les témoins décrivent sans y prendre garde, tant elle va de soi et tant elle est acceptée. Tout le monde en use de la sorte, il n'y a pas de sphère du privé, de véritable intimité revendiquée contre la curiosité, bien ou malveillante, d'autrui. Qui peut voir ou entendre se sent autorisé à raconter tout de suite, dites-nous donc des nouvelles », ou plus tard devant le juge, ce qu'il a vu ou entendu, sauf les 27 Témoignage de la Dlle Quincy, 24 juillet, p. 9. […] discours que l'honnêteté et la pudeur ne permettent pas de coucher par écrit27, 28 Lorsque des garçons, parents ou alliés de l'épouse, viennent plaisanter grossièrement Colombe jusq ... propos que l'on se refuse même d'écouter28. 29 Si son pere Scavoit Cela il lui donneroit des Coups de Baton, Jacques Vincent, beau-frère de Miche ... 13C'est ainsi qu'ayant entendu depuis sa chambre » la femme du tailleur inviter Colombe à aller au bourg de Cravant pour engager son mari à revenir plus tôt », et aussi pour en rapporter du lait et des cerises, la Demoiselle Quincy, fille majeure, descend aussitôt de chez elle pour proposer à Colombe de l'y accompagner. Celle-ci accepte avec réticence, car son père lui a défendu d'aller à cette fête qui est aussi un rendez-vous et elle risque, s'il l'apprend, d'être grondée ou même battue29. Arrivées à Cravant, elles cherchent ensemble et trouvent le tailleur à l'auberge, où elles se rafraîchissent en sa compagnie. C'est jour de fête et il fait beau, on a dressé des tables au-dehors, hommes, femmes et enfants peuvent se mêler dans ou devant le cabaret ou l'auberge, lieux normalement réservés à une clientèle masculine. Puis, en troupe assez nombreuse le tailleur, sa petite fille, sa nièce, un compagnon et un camarade, plus Colombe et la déposante, tous reprennent gaiement le chemin de Vermenton environ six kilomètres à pied, les hommes portant le pot de lait, qu'en badinant ils cassèrent », et Colombe les cerises, dans son tablier, qu'elle finira aussi par répandre à terre. À cause de la chaleur, on fait halte dans un bois pour s'y reposer et rafraîchir », et la Demoiselle 30 Un autre témoignage sur l'escapade de Cravant est plus explicite ou plus critique Colombe ne vou ... […] ayant eu quelque besoin, entra un peu avant dans le bois […] et s'en revenant auprès d'eux elle s'aperçut que Paysan embrassoit ladite Bourdillat30. 31 Le mot revient souvent. C'est en badinant ensemble et se chatouillant sur l'établi que le tailleur ... 32 Témoignage de Marguerite Perreau, femme de Philippe Marthe, vigneron, 50 ans, 24 juillet, p. 2. 33 Dans sa préface à une édition de la correspondance de Diderot, Laurent Versini note que la corre ... 14On pourrait en rester là, à ce badinage non exempt de brusquerie maladroite31, à la simplicité apparente d'une idylle rustique où ne manquent ni le pot de lait cassé, ni les cerises dans le tablier, ni les baisers volés dans le bosquet ; où s'expriment aussi, à travers plusieurs témoignages et de manière directe et candide, la tendresse de l'une mon petit ami que je vous aime donc ! » ou la rage de l'autre la chienne de putain, si je la tenois je la mangerois comme un grain de sel ! »32, tandis que le mari, démonstratif en privé, se montre lâche en public, autre permanence culturelle. Ce qui se transformerait dans la fiction en pastorale conventionnelle, en bergerie douceâtre, tire ici son charme du désordre du récit, de la franchise des propos, de la ressemblance et de la différence entre cette histoire vécue et l'univers artificiel de la fiction33. 34 Louis-Sébastien Mercier, dans un texte célèbre, marque bien la différence à cet égard entre femmes ... 35 En revanche, et en Bourgogne au moins, la séparation de l'espace masculin et de l'espace féminin n ... 36 Dans ses analyses des minutes d'un notaire de Seignelay et d'un notaire d'Auxerre pour une périod ... 37 Le monopole qu'avaient les tailleurs parisiens de fabriquer tous les vêtements, masculins aussi bi ... 15Ce pourrait être en effet une fiction car les conditions qui ont permis l'établissement d'une relation entre Michel le tailleur et Colombe l'apprentie sont inhabituelles. Sauf pour les couples mariés d'agriculteurs, de commerçants ou d'artisans qui travaillent sinon ensemble, du moins de concert34, on sait que l'activité professionnelle sous l'Ancien Régime se caractérise par une ségrégation des sexes presque aussi stricte que dans l'Église ou dans les écoles35. L'historiographie se plaît à souligner la diversité des métiers d'autrefois et la manière dont elle se répercute sur la topographie des villes, avec des rues et des quartiers où se regroupent par spécialités les différentes activités ; mais elle insiste moins sur le fait que l'atelier est un monde essentiellement masculin les maîtres artisans avec leurs compagnons et leurs apprentis forment des milieux fermés, rivaux, avec leurs rites et notamment de dures épreuves initiatiques, leurs fêtes patronales, leurs confréries pieuses, leurs places assignées dans les processions36. Les seuls lieux dans la ville et ses abords où les femmes qui travaillent sont présentes en nombre sont les bords de rivière ou le lavoir pour les lavandières, les blanchisseuses ; certains marchés situés souvent au cœur de la ville vendeuses de volailles, de fruits et légumes alors que les marchés masculins de chevaux et de bestiaux se situent à la périphérie ; les hôpitaux et les couvents avec leurs religieuses et leurs converses ; les auberges avec leurs servantes ; les rues mal famées avec leurs prostituées, et souvent, sur le seuil des maisons et sur les chemins, les fileuses, ou devant les béguinages du Nord et les maisons du Velay, les dentellières. Partout, l'activité professionnelle par excellence des femmes, ce sont les métiers de couture ». Encore n'est-ce pas leur exclusivité si l'apprentissage des filles se fait le plus souvent chez une couturière, il peut avoir lieu chez un tailleur, dont la compétence et le savoir-faire sont considérés comme supérieurs à ceux des couturières37. C'est ce qui explique que, parmi les témoins au procès, deux femmes au moins soient venues travailler chez le tailleur et résider temporairement chez lui, à la fois pour le seconder et pour se perfectionner. 38 Dans les contrats d'apprentissage du métier de couture, on rencontre le terme d'ouvrière, notammen ... 39 Colombe ne loge pas chez le tailleur et retourne sans doute chez son père le cordonnier, qui habit ... 40 Les témoins se réfèrent soit à des dates de fêtes les mercredi et jeudi saints derniers, donc jus ... 16La situation de Colombe paraît donc insolite, non parce qu'elle est employée chez un tailleur, mais parce qu'elle l'est pour une période longue, avec un statut officiel de servante » qui déguise son rôle effectif d'apprentie38. Outre l'attrait mutuel incontestable entre le maître et l'élève, leur cohabitation diurne pour cause de travail39 constitue la circonstance imprévue, nécessaire et suffisante qui va leur permettre de jouer le jeu dangereux de la séduction pendant plusieurs mois consécutifs40, ce qui est à la fois incompatible avec les commandements de l'Église et, surtout, avec le code local très strict des relations entre les sexes. On sait qu'il y a 41 Jean-Pierre Gutton, op cit., p. 51. […] dans les campagnes, sous l'Ancien Régime, une sorte de juridiction exercée sur la vie sentimentale et sexuelle par les garçons de paroisse ». Ils constituent un groupement de jeunes célibataires, assez comparable aux abbayes de jeunesse ou bachelleries […] pour les villes41. 42 Nicolas Rétif de La Bretonne, La Vie de mon père, éd. G. Rouger, Garnier, 1970, et pour une interp ... 43 Les mêmes qui feraient un charivari si Colombe épousait un veuf, ou une veuve un jeune célibataire 17Cette juridiction s'exerce dans le bourg de Vermenton comme dans le village de Sacy, tout proche, où Rétif de La Bretonne l'a magnifiquement décrite42. Mais le tailleur est majeur et marié, Colombe mineure et célibataire, leur relation illicite ne peut manquer d'être bientôt sanctionnée par les jeunes gens43 l'un qui entre dans la boutique et […] voulant badiner avec ladite Bourdillat, elle le repoussa en disant qu'il pouvoit aller badiner ailleurs sans venir se mocquer d'elle ; puis trois autres qui arrivent, dit une femmen témoin, à l'heure du goûter, 44 Témoignage de Barbe Mailin, 30 ans, 17 août, p. 1 et 2. […] tenant de mauvais discours cela obligea la déposante de sortir de la maison son pain à la main et de le manger dans la rue… suivie à l'instant par ladite Colombe Bourdillat qui ne voulut point entendre leurs sottises44. Ces trois hommes sont les beaux-frères d'Anne Mignout. Colombe les trouve bien insolents » mais elle sait pourquoi alliés du couple, ils sont impliqués dans le discrédit dont elle est cause. 45 Le texte ne mentionne que deux pièces la boutique devant et la chambre derrière, avec son four, ... 46 Ce serait vrai aussi entre deux hommes, mais dans un climat différent, de camaraderie ou de mutuel ... 18Autre chose encore est en cause la situation de fausse servante et de vraie apprentie qui est la sienne modifie l'équilibre des rôles au sein du ménage de Michel Paysan et d'Anne Mignout. Si Colombe n'était que servante, sa sujétion ne poserait aucun problème et elle serait aux ordres à la fois du maître et de la maîtresse de maison. Le maître pourrait même, la trouvant à son goût, se permettre avec elle les privautés que beaucoup de domestiques subissaient, dans les fermes ou les châteaux, sans pouvoir se défendre, et dont nombre d'épouses, qui savaient, n'osaient se plaindre. Mais nous sommes ici dans un environnement déjà urbain, chez un artisan marié, petitement logé45, où, dans la boutique ouverte sur la rue, Colombe travaille sur l'établi, en même temps que son patron et littéralement au même niveau que lui. Tous deux sont constamment sous le regard d'autrui sauf dans l'écurie, où ils s'éclipsent parfois sans pouvoir s'attarder. Certes il est le maître, elle est l'apprentie ; elle le vouvoie, il la tutoie. Pourtant, on voit mal comment ils pourraient partager des heures durant la même tâche, dans l'immédiate proximité qui est la leur, sans un minimum de complicité et d'entente mutuelle46. Surtout, de telles conditions de travail établissent entre eux un mode de relation qui devrait prévenir, au moins en termes de séduction, toute tentative d'abus de pouvoir, de rapt. 19Pendant ce temps, Anne Mignout vaque aux soins du ménage et s'occupe des enfants on sait par les registres paroissiaux qu'à cette date elle a accouché au moins trois fois ; une scène la montre portant un enfant dans ses bras et l'allusion à ses seins de nourrice suppose qu'elle allaite la petite dernière, Reine-Marie, née le 31 janvier et âgée d'environ six mois au cours de cet été où le ménage bat de l'aile voir les généalogies, page 75. Elle ne peut que vivre assez mal l'intimité de son mari avec Colombe, leur babillage et leur badinage qui va jusqu'à les faire tomber tous deux de l'établi la tête la première, le tailleur se hâtant de rabattre les jupons en désordre de son apprentie, leurs protestations d'affection, leurs escapades dans l'écurie. Elle se voit dépossédée de son statut d'épouse et rabaissée à celui de domestique, au profit de cette fille dont son mari est amoureux, qui est amoureuse de son mari et qui cherche en même temps, fière de l'avoir séduit, à humilier sa femme. Leur rivalité s'exprime à travers un dialogue quasiment de théâtre. Un jour, 47 Témoignage de Marguerite Aubert, fille majeure, 26 ans, étant chez ledit Paysan à travailler de so ... […] environ l'heure de midi [Colombe s'adresse à l'épouse et lui dit ] notre Servante, notre Cuisinière, faites-nous donc à dîner, en plaisantant, en riant ; à quoi repartit ladite Mignou, tu es donc la Dame ? Oui, lui répondit ladite Bourdillat. Mais [rétorque l'autre] tu ne couches pas avec le maître, j'ai la Clef de l'armoire et toi tu ne l'as pas, ce qui fut répété plusieurs fois en riant et plaisantant…47 On ne peut traduire de manière plus imagée, sous le voile de la plaisanterie et sous les rires qui déguisent la tension, le désir de l'une d'inverser les rôles, de devenir, en fait comme en droit, la maîtresse, la Dame », et le refus explicite de l'autre d'y consentir, d'abdiquer ses privilèges d'épouse et notamment son monopole sexuel. Monopole qu'elle revendique d'autant plus qu'elle le sent menacé après l'épisode de l'écurie, elle confie à une voisine que si elle n'avait pas suivi son mari et Colombe, il en eût joui ». Tandis que le mari, au dire d'une de ces femmes témoins qui décidément savent tout, 48 Témoignage de Marie Boivin, 34 ans, travaillant sur le port de Vermenton et logeant chez ledit Pay ... […] le jour qu'il tomba avec ladite Bourdillat de dessus l'établit, […] ne coucha point avec sa femme à cause qu'elle lui fesoit des reproches de ce qu'il aimoit lad. Bourdillat48. Parenthèse généalogique 20Quittons provisoirement trois personnages qu'un procès nous montre vivant devant nous un court moment de leur existence, avec ses petites complications, pour considérer chacun d'eux sous l'angle banal des documents qui concernent tout le monde, ceux de l'état civil ancien, ceux du contrôle des actes, ceux des notaires. Car il n'est pas indifférent, pour mieux comprendre qui étaient les acteurs de cette histoire, d'accéder à cette autre réalité qui est celle de la vie et de la mort, à travers les documents devenus pour nous si familiers que sont les registres de catholicité ; ni à cette réalité différente encore que transmettent les actes notariés, les contrats de mariage, les baux, les inventaires, avec leurs indices de pauvreté ou d'aisance, autant de critères qui rapprochent et distinguent Colombe, Anne et Michel de leurs concitoyens de Vermenton en particulier et des sujets de Louis XV en général. 21Les tableaux généalogiques p. 75 résument le destin démographique des deux ménages. Car, un peu plus d'un an après l'épisode judiciaire qu'entraîne l'aventure sentimentale du tailleur et de son apprentie, épisode qui vraisemblablement y met fin, Colombe, comme on dit, fait une fin » et se marie. Ou plutôt on la marie, puisqu'elle reste mineure et sous l'autorité de son père. 49 Contrairement aux ordonnances, les curés de Vermenton négligent d'indiquer l'âge des conjoints. Il ... 50 Dans cette région et à cette époque, on qualifie indifféremment de vigneron ou de manouvrier quico ... 51 ADY, Contrôle des actes de Vermenton, fol. 22 vo, 10 novembre 1745. Acte passé devant Coll ... 52 Il est possible que le ménage ait d'abord vécu à Cravant, d'où venait Michel Paysan. Cela explique ... 221753 Colombe avait vingt-deux ans quand elle badinait sur l'établi avec un patron qui en avait vingt-huit. Michel Paysan s'était marié sept ans auparavant, encore mineur, avec Anne Mignout, un peu plus âgée que lui49. Leur contrat de mariage de 1745 le désigne comme vigneron50, demeurant à Cravant, tandis que la future est de Vermenton. Lui se marie pour ses droits acquis », c'est-à-dire en attendant sa part dans la succession de ses père et mère, tandis qu'elle apporte l'équivalent de 570 livres et reçoit pour 30 livres de joyaux51. Le métier de tailleur d'habits et aussi de robes, à en juger par la scène de l'essayage qui sera celui de Michel Paysan n'exclut pas d'autres activités à la naissance d'une fille, en 1751, il est dit maître fripier » et l'on sait par le procès qu'il vend aussi des étoffes. Il a beaucoup de commandes et est obligé de faire appel à d'autres femmes qui viennent le seconder pour des périodes de quelques jours, de sorte qu'il donne l'impression, à certains moments, d'être plus un petit patron » au sens actuel qu'un simple artisan. En revanche, à aucun moment sa femme ne semble associée à son travail, tandis qu'elle s'occupe à la fois du ménage et des enfants. Le couple en eut plusieurs, dont six naquirent à Vermenton à partir de 1749 ils furent précédés d'au moins une fille, Anne, née ailleurs52, c'est la petite fille » en âge de marcher qui accompagne son père à la fête de Cravant pendant l'été de 1753. Sa sœur cadette Marie Anne, née en 1749, est morte dès 1752 ; la suivante, Jeanne Nicole, n'a que deux ans ; la dernière est au sein. Le ménage du tailleur Le ménage de la servante-apprentie 23Les naissances se sont succédé rapidement, mais les morts n'ont pas tardé sur les sept enfants du couple nés à Vermenton, deux filles meurent à l'âge de trois ans, un fils à vingt et un mois. Il en reste quatre sur sept et leur père, à son tour, meurt en 1768, à quarante-deux ans. Deux ans plus tard, la fille aînée, encore mineure, épousera un menuisier de Vermenton. Quant à la veuve du tailleur, Anne Mignout, présente au mariage de sa fille en 1770, elle survivra jusqu'à une date qui reste à préciser. 53 ADY, C. 4371, Contrôle des actes de Vermenton, fol. 40 vo et 41. Ces huit contrats concernent un m ... 24À s'en tenir aux apparences, Colombe Bourdillat a trouvé un bon parti en épousant Nicolas Perreau, à moins que ce ne soit l'inverse. Elle est née d'un premier mariage de Jean Bourdillat, cordonnier à la belle signature, qui a pignon sur rue à Vermenton, qui s'est remarié, qui a eu plusieurs enfants de ses deux femmes successives. Quant au père de Nicolas Perreau, vieillard de soixante-dix ans, il est inhumé en 1765 dans la nef du Rozaire » de l'église paroissiale en présence de son frère et de ses enfants mâles, qui tous signent fort bien autant d'indices d'un statut honorable. Les apports de Nicolas et de Colombe à leur mariage en janvier 1755 sont estimés à 1 180 livres. Or, huit autres contrats de mariage, contrôlés dans le même bureau au cours du même mois53, ne comportent aucune évaluation de biens, les futurs étant vraisemblablement trop pauvres, et c'est le cas le plus général. Autrement dit, les deux couples qui nous intéressent, celui du tailleur et celui du tonnelier, se distinguent de la majorité de leurs contemporains par une relative aisance et par une éducation plus poussée. De ce point de vue, là aussi, Colombe l'apprentie et Michel le tailleur sont sur un pied d'égalité, appartenant tous deux à cette classe d'artisans qui voit croître sa prospérité et le niveau d'instruction des hommes avec l'essor démographique et la conjoncture favorable du milieu du xviiie siècle. Colombe, nous le verrons, apprend à lire grâce à Michel. 54 Nombreux monitoires épiscopaux condamnant cette pratique au xviiie siècle, sans succès. Colombe ay ... 25Leurs destins vont rester curieusement symétriques après leur séparation, quand Colombe quitte la boutique de Michel Paysan pour se marier, après publication d'un seul ban de mariage et dispense des deux autres. Cette dispense est fréquente à Vermenton, elle marque une certaine hâte à célébrer les noces, plutôt dans le souci d'éviter un pénible charivari54 que de dissimuler une grossesse prénuptiale. Si Colombe avait dû faire un enfant trop vite, c'eût été avec le tailleur et non avec le mari que peut-être son père, et certainement les conventions lui imposaient d'ailleurs son premier bébé naîtra sagement onze mois après le mariage. Elle en trois d'autres, dont une fille qui mourra à neuf mois et quelques jours » et un fils à deux ans. Elle-même va quitter ce monde en juillet 1766, âgée seulement de trente-cinq ans, […] sans pouvoir recevoir les sacremens des malades, étant morte subitement, écrit le curé dans son registre. Veuf et père des deux enfants survivants, Nicolas Perreau n'a plus qu'à se remarier, suivant l'usage, et à faire d'autres enfants à sa seconde épouse, Marie Magdeleine Marcellot. 26Michel Paysan, mort quadragénaire, a survécu moins de deux ans à Colombe, qu'il devait rencontrer au moins à la messe du dimanche et dans les rues étroites de Vermenton où tous deux continuaient d'habiter. Que restait-il de leurs amours, nous n'en saurons jamais rien, et c'est peut-être mieux ainsi. 27Revenons maintenant à la question qui se pose depuis le début de cette histoire comment qualifier la relation qui unissait Colombe à Michel, de quel droit user à leur égard du terme de séduction au sens contemporain ? 28D'abord, en laissant parler le texte et ce n'est pas qu'une image le propre des témoignages n'est-ce pas justement, et sous la garantie du serment, de produire la vérité en reproduisant des paroles prononcées ? Mieux, en les restituant dans leur contexte, voire en les commentant ? Voici Colombe sur l'établi, se plaignant de la chaleur, invitée plusieurs fois par le tailleur à […] ôter quelques-unes de ses hardes pour se mettre plus à la légère ; se retirant dans une chambre de derrière et disant à son maître 55 Barbe Mailin, 17 août, p. 1. […] à différentes fois, ne venez pas, quoique ledit Paysan n'eût pas dessein d'y aller et n'en fît aucune feinte mais […] elle lui répétoit toujours les mêmes paroles comme si en lui deffendant d'y aller elle eût voulu plutôt l'y solliciter55. Encore une fois, le témoin est une femme non seulement elle décrit la scène, mais elle l'interprète dans un raccourci superbe comme le langage même de la séduction. Et comment s'y tromper, en effet ! Nous le comprenons comme elle, ce langage, et c'est bien cela qui devrait nous inquiéter, nous autres lecteurs d'une fin de siècle de liberté sexuelle en même temps que de guerre des sexes, nous autres lecteurs d'un monde inquiet, d'une société planétaire, surinformée, aux antipodes de celle des Lumières ? 29Et pourtant ! Si la nature de la relation entre le tailleur et son apprentie nous paraît si claire, ce n'est pas qu'illusion, mirage anachronique. La petite parenthèse généalogique deux ménages nucléaires, leurs ascendants, leurs descendants et socio-économique métiers, apports aux mariages, scolarisation a montré combien Colombe et son amant au sens ancien vivaient dans un univers qui n'a plus rien à voir avec le nôtre, un univers où la mort régnait, souveraine, et d'abord sur les enfants trois sur sept chez le tailleur, deux sur quatre chez Colombe ou, plus capricieusement, sur les adultes le tailleur meurt à quarante-deux ans, son apprentie à trente-cinq ; un univers de pauvreté et d'analphabétisme surtout féminin tant de mariages les biens non estimés », car il n'y avait pas de biens, tant de mendiants dans les rôles de taille, tant de gens qui ne savent signer » ; un univers de contrainte sociale où un flirt innocent mais resté innocent à cause de la contrainte, de la surveillance ininterrompue ? suscitait, heureusement pour nous, une procédure judiciaire, et voyait interférer dans le jeu amoureux non seulement l'épouse du tailleur, ce qui s'explique, mais les voisines, les parents, les alliés, les jeunes gens du village, sans doute le curé pour obtenir la dispense de bans, pour admonester Colombe à la demande de son père ?. Bref, tout le monde s'en mêlait et tout le monde trouvait tout naturel une ingérence que nous trouverions insupportable. Mais combien de contraintes, fort différentes, ne supportons-nous pas nous-mêmes que les hommes et les femmes du xviiie siècle eussent jugées incompatibles avec leur liberté à eux ? 56 Voir passage cité, note 33. 30En même temps, au sein de ce monde révolu, quelque chose est en train de poindre qui annonce le nôtre la parité, sinon l'égalité entre certains hommes et certaines femmes, ce que Sébastien Mercier, à propos des couples d'artisans et de marchands parisiens, appelle l'égalité de conditions »56. Vorrei e non vorrei… 57 Même alors elle le repousse quand il se montre trop pressant, quitte à donner de la tête contre un ... 58 Il poursuit et elle fuit, selon les règles alors et depuis ? en usage. Voir, à propos de Jean-Ja ... 31Au fil des témoignages, il apparaît clairement que la relation entre Colombe et Michel exclut tout rapport de force, toute sujétion craintive de la servante à son maître, toute caresse extorquée… sauf dans l'obscurité de l'écurie où d'ailleurs elle accepte de le suivre ou de le précéder57. Il n'est pas question d'angélisme si l'épouse n'avait pas été là, si le père n'avait pas été là, et les amis, et les voisines, et la crainte de se retrouver enceinte, Colombe aurait cédé, malgré les interdits, à ses propres désirs comme à ceux de son jeune maître, et Michel en eût joui ». Mais, et c'est fort important, parce qu'elle y eût consenti. Ce consentement, elle l'a refusé, il ne s'est donc rien passé de socialement irrémédiable. La procédure restitue en une séquence mal ordonnée autant de scènes qui sont comme les préliminaires à ce qui aurait dû arriver et qui n'arriva pas au lieu d'être séduite » au sens sexuel du terme, Colombe a quitté l'atelier du tailleur apparemment sans esclandre, de sorte qu'elle put se marier en honnête fille » avec un artisan du bourg, un voisin. Ce seul fait mérite attention voilà une fille qui a fait parler d'elle, mais en gardant son honneur. Ce n'eût pas été le cas dans d'autres régions du royaume, ni dans d'autres milieux, ni sans doute un demi-siècle ou un siècle auparavant. Et c'est encore une raison de s'attacher au destin de Colombe et de Michel que d'y repérer divers indices d'équilibre des rôles amoureux masculin et féminin, sinon dans les comportements58 au moins dans les paroles, avec bien des marques de sollicitude ou de tendresse de l'un pour l'autre et aussi de connivence contre les autres, et d'abord contre l'épouse, qui se voit défiée et bafouée sous son toit par l'intruse. 32À leurs protestations d'affection mutuelle, le tailleur ajoute les gestes symboliques et notamment la place à la table du repas une femme qui est venue 59 Marguerite Aubert, fille majeure, 26 ans, parente de ladite Mignout ne scait à quel degré, 17 août ... […] travailler de son métier de couture [pendant deux jours avec le tailleur, raconte qu'] étant à table, ladite Mignout […] parlant [de Colombe et de son mari] lui dit Voyez ma Cousine, ils se mettent toujours vis-à-vis l'un de l'autre »59. Il cherche à lui offrir de petits présents comme ce couteau qu'il souhaite plus propre » pour Colombe que pour sa femme. Il ne se prive pas non plus de lui faire la morale, se comportant à la fois en mentor et en amoureux jaloux après la visite du garçon qui voulait badiner avec elle, il la sermonne, 60 Barbe Mailin, 17 août, p. 2. […] disant qu'il ne faloit point etre volage ni écouter les garsons et qu'il faloit toujours se comporter en honnete fille, parce qu'on fesoit un grand mépris des filles volages60. Enfin ce tailleur instruit entend non seulement enseigner à son apprentie le métier de couture, mais encore la lecture. Le vigneron qui apporte des javelles rapporte 61 Henri Boudin le jeune, vigneron, 17 août, p. 3. […] que plusieurs autres fois s'y étant trouvé, ledit Paysan fesant lire ladite Bourdillat, il les a vu badiner ensemble et s'embrasser, ne scait rien au surplus61. 62 Par contre on ne peut négliger une nette connotation de séduction, dans ce type de relation à la P ... Outre l'intérêt d'un tel témoignage pour les relations de maître à serviteur et pour l'apprentissage de la lecture sur le lieu du travail lieu aussi du badinage, des baisers et des pauses pour le dîner ou le goûter, croit-on qu'un homme assuré de son pouvoir aurait eu de tels égards pour une servante convoitée ?62 33En même temps, il faut tâcher chaque fois d'interpréter ce qui, dans la richesse des témoignages, est vraisemblable ou douteux. Ainsi quand l'épouse, allongée sur son lit et 63 24 juillet, p. 6. […] faisant la dormeuse […] ouit dire à son mari qui étoit sur son établi avec ladite Bourdillat, Colombe, que je t'aime donc », à quoi [celle-ci] répartit Monsieur, je vous suis bien obligée »63, on devine que ce n'est pas la réponse véritable de Colombe, mais celle qu'Anne Mignout souhaitait entendre, une réponse polie et réservée, fort éloignée des élans habituels de la jeune fille. 64 […] Et j'ai répliqué qu'autrefois on buvait plus qu'on ne fait, on ne jouait guère moins, on chass ... 65 Norbert Elias, La Société de cour, Paris, Flammarion, 1985. 66 Sa femme [de M. de Saint-Géran], charmante d'esprit et de corps, l'avoit été pour d'autres que pou ... 67 Plus celui qui commande met de disproportion et de distance entre lui et celui qui lui obéit, moin ... 68 Arlette Farge, Vivre dans la rue à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard/Julliard, coll. Arch ... 34En dehors de toute théorisation des rôles respectifs masculin et féminin et surtout de toute dramatisation, essayons de nous en tenir aux faits tels que cette procédure les dévoile dans leur diversité et leur cohérence il est clair que le tailleur et son apprentie sont amoureux l'un de l'autre. Ils se le disent et ils ne s'en cachent guère aux yeux de témoins nombreux et vigilants. On ne prendra pas le risque d'affirmer, sur ce seul exemple, que ce qui a d'abord changé dans les milieux de cour, dans l'aristocratie parisienne ou dans la grande bourgeoisie est en train de transformer, par imitation ou contagion, les normes de comportement dans l'artisanat de Vermenton ou d'autres bourgades similaires de la France du Nord. Ce changement est clairement perçu par les contemporains, et Diderot parmi d'autres, le résume superbement dans une de ses lettres à Sophie Volland64. Avec Norbert Elias, l'historiographie récente admet généralement qu'il y eut, dans les classes dominantes, une sorte de rééquilibrage progressif de la place des femmes par rapport à celle des hommes, et singulièrement des épouses, laissées relativement libres » dans leurs relations avec le genre masculin, pourvu que ce fût sans scandale65. Une femme de ce milieu pouvait avoir des amants du même milieu et continuer d'être bien reçue partout66. Si une telle liberté – ou une telle licence – restait inconcevable à Vermenton au milieu du xviiie siècle, en revanche il devenait possible d'y être amoureux à un degré intermédiaire. À condition de n'aller pas trop loin dans le badinage, un tailleur marié et son apprentie célibataire ont pu vivre, des mois durant, au vu et au su de tout le monde, quelque chose qui ressemble pour nous moins à un flirt qu'à une relation amoureuse pré-adolescente, mêlant les bousculades et les fous rires aux baisers et aux caresses, n'osant ni ne pouvant aller plus loin, restant aux préliminaires, dans un mélange d'innocence et de frustration qui ne paraîtra invraisemblable qu'à ceux qui modélisent le passé sur le présent, qui ne peuvent dissocier l'histoire des sentiments de celle de la sexualité, ni celle de la sexualité d'une histoire, combien plus riche et documentée, de la violence. Car il y eut toujours les deux, et ces mêmes grands seigneurs ou fermiers généraux qui tolèrent les amours raffinées de leurs épouses avec leurs pairs et construisent des folies pour leurs maîtresses, danseuses ou comédiennes en vogue, peuvent se conduire en brutes cyniques et impitoyables avec la petite catin ou la servante d'auberge67. En revanche, les sévices de maris brutaux et ivrognes, que rencontre si souvent Arlette Farge dans les archives des commissaires parisiens, paraissent moins évoqués devant les juges bourguignons, alors qu'évidemment ils existent mais peut-être parce que victimes et notables les considèrent comme une fatalité68 ? 35Non que Vermenton représente, symétriquement, l'immobilisme d'une bourgade provinciale figée dans ses habitudes et la passivité. C'est un port sur la rivière de Cure, lieu d'une intense activité de flottage du bois et de transport des vins de Basse-Bourgogne vers Paris. Les registres paroissiaux, rapidement dépouillés pour y retrouver les traces des héros de cette histoire, enregistrent quantité de mariages ou de décès de gens venus d'ailleurs et parfois de très loin, marchands, prêtres, colporteurs, vagabonds, flotteurs sur bois, mariniers, au milieu desquels les artisans représentent probablement l'élément le plus autochtone et le plus stable. 36Mais s'il n'est pas question d'imiter à Vermenton ce qui se passe à Versailles, il y a pourtant un point commun, fondamental, entre les amours d'un courtisan avec une grande dame et ceux d'un tailleur de petite ville avec son apprentie c'est l'égalité des conditions. Non seulement entre Michel et Colombe, mais entre celle-ci et Anne, l'épouse. Nous savons, par les sources parallèles au procès, que tous trois appartiennent au même milieu d'artisans à leur aise et instruits qui sont au cœur de l'activité économique du bourg. En ce sens, ils sont aussi égaux » entre eux mais beaucoup moins libres que les aristocrates des deux sexes dont parlent Saint-Simon ou D'Aguesseau dans leurs Mémoires. Cette égalité s'exprime dans une série d'attitudes ou de mots que les témoignages livrent comme autant d'instantanés. Rappelons-nous ce petit couteau que Michel veut offrir, présent ambigu, à Colombe qui a perdu le sien ». Au moment de le lui remettre, l'épouse dit à l'apprentie 69 Toussaine Quincy, 17 août, p. 9. […] qu'il faloit avant de lui donner qu'elle le gagnât et qu'elle embrassât son mari, ce que ladite Bourdillat refusa de faire, lui disant qu'elle en achèteroit bien un à ses dépends69. Elle affiche ainsi son indépendance en même temps que sa relative autonomie financière, tandis que l'épouse autorise un baiser, mais devant elle, ce qui revient à le neutraliser. Cette volonté de l'épouse d'amadouer l'apprentie – dont on a donné plusieurs preuves – dénote qu'elle considère Colombe comme une rivale d'autant plus redoutable qu'elle est à la fois plus jeune, sans doute plus jolie et socialement son égale tout en lui étant, en principe sa subordonnée. Nous ne reviendrons pas sur les signes multiples de bienveillance et d'attention que prodigue Michel à Colombe et notamment son désir de l'instruire ni sur les attitudes de Colombe, passant des gestes et des mots tendres aux reproches d'être délaissée. 37Dernier signe d'égalité la procédure elle-même. C'est Colombe, mineure de vingt-deux ans, s'estimant ou son père à travers elle insultée par l'épouse et ses proches, qui porte plainte la première, qui de coupable désignée se pose en victime et qui, rendant public le scandale, oblige les témoins à comparaître, à dire ce qu'ils savent, à prendre parti pour l'une ou pour l'autre ce dont ils s'abstiennent, les hommes surtout, préférant ne rien dire, ou critiquer modérément l'une et l'autre de manière à neutraliser le conflit, à le réduire à beaucoup de bruit pour pas grand'chose ». D'où les atermoiements de la justice. Le procureur du roi requiert d'abord qu'Anne Mignout, […] accusée d'avoir terni et diffamé la réputation de Colombe Bourdillat en la traitant de putain de son mary soit adjournée à comparoir en personne pour répondre… desdittes plaintes. 70 Continuation d'information du 24 juillet, communiquée au procureur du roi, dont les conclusions so ... Mais aussitôt il se ravise, fait raturer ses propres conclusions, en approuve l'effacement », en marge, déclarant avoir plus réfléchi sur ce qui a rapport [à l'affaire] » ! Puis, il rédige sans complexe de nouvelles conclusions, tendant cette fois à ce que la procédure extraordinaire » entamée par Colombe soit déclarée nulle et de nul effet »70. Le juge, prévôt royal, […] sans avoir égard aux conclusions dudit procureur du Roy, [déclare avoir] civilisé les parties en cause et converti ladite information en enquête, 71 6 août 1753, p. 13-14. 72 Elle y est authorisée par justice au refus dudit Paysan son maris encore un signe de relative au ... convertissant aussi la plainte en simple requête » sans conséquences pénales71. C'est à cette enquête contraire » qu'Anne Mignout fera procéder le 17 août72. Elle n'aura pas de suite, sinon que, pour toutes deux, l'honneur sera sauf. Il ne reste plus à Colombe qu'à partir pour se caser. Affaire classée. 38Son déroulement laisse le lecteur que je fus et les participants au séminaire où elle fut commentée sur une impression d'abord d'étonnement à entrer si aisément dans le vif d'une intrigue sentimentale greffée sur une existence à la fois professionnelle et conjugale, celle d'un ménage d'artisans bourguignons. La surprise vient moins de la qualité et de la précision des témoignages surtout féminins que de la réalité incontestable qu'ils transmettent, entourée d'un luxe de détails précieux sur quantité d'autres aspects du quotidien d'alors. Un homme marié et une jeune fille qui travaille chez lui ont pu se plaire et le montrer de mille manières, sans se cacher ni pouvoir se cacher pendant plusieurs mois. Certes, une procédure est intervenue, qui nous vaut le récit de l'histoire et qui provoque sa fin. Mais nulle censure officielle, ecclésiastique ou judiciaire, ne semble avoir contrecarré le début et la continuation des amours de Colombe et de Michel, tandis que s'organisaient progressivement et efficacement les mesures officieuses de rétorsion réprimandes et menaces du père de la fille, mauvais discours » des garçons de la paroisse, récriminations de l'épouse, chanson satirique, tous les ingrédients du scandale. D'où la procédure, le départ de Colombe et son mariage. 73 Nicolas Rétif de la Bretonne, op. cit. 39C'est cependant dans un climat de relative liberté que le tailleur et son apprentie ont pu d'abord travailler ensemble et bientôt badiner et se dire des mots tendres. Liberté sous surveillance, mais liberté quand même, qui les autorise à s'embrasser, à se cajoler, à se bousculer, sous les yeux des voisins, des amis, des clientes, de l'épouse. Comme si de tels jeux ne prêtaient pas à conséquence, ou comme si le fait de les pratiquer aux yeux de tous leur ôtait toute gravité. Et l'on songe au commentaire de Rétif à propos des jeux d'initiation sexuelle pratiqués au soir tombant et en groupe par les garçons et les filles de Sacy dès lors qu'un curé intégriste » y met le holà, ils se jouent en cachette et en couples et voilà des filles enceintes73. Le cadre urbain et restreint dans lequel se déroule la vie de nos personnages Vermenton, dans ses murs, est une très petite ville contribue probablement, par l'intensité des relations de voisinage et d'interconnaissance qu'il suscite, à une relative détente sur le plan de la morale sexuelle. Il n'est pas facile d'aller trop loin quand tout se sait tout de suite. 40Après la liberté, ce que les témoignages, complétés par d'autres sources, signifient de plus convaincant, c'est l'égalité des conditions entre deux lignées d'artisans, celle du tailleur et celle du cordonnier. Egalité économique, traduite par les apports au mariage ; égalité culturelle, que révèle la maîtrise – surtout masculine – de l'écriture et de la lecture. Jamais dans son comportement Colombe ne manifeste de servilité à l'égard de son maître », qui est en fait son patron, et encore moins vis-à-vis de sa maîtresse » et rivale, qu'elle défie ouvertement et que celle-ci cherche à amadouer. Cette égalité non dite, jamais revendiquée, sous-jacente, paraît décisive pour expliquer les rapports complexes du trio mari-épouse-» amante » et notamment l'étonnante symétrie dans laquelle s'expriment la tendresse et le désir qu'éprouvent l'un pour l'autre le tailleur et son apprentie. 41Dès lors, ce qui fait l'intérêt et le charme de l'histoire de Colombe, ce n'est pas seulement qu'elle se déroule dans un milieu d'artisans modestes mais pas pauvres et dans une société provinciale, urbaine, traditionnelle mais non figée c'est qu'elle puisse y avoir lieu, malgré tout. 42Sans que rien soit jamais explicité et pour cause, quelque chose a changé, au milieu du xviiie siècle, dans une petite ville bourguignonne qui voit naître, entre un homme marié et une jeune fille, une relation de séduction dont nous ressentons aussitôt la modernité », donc la nouveauté. Si cette relation a pu naître, s'épanouir et mal finir, n'est-ce pas en raison d'un climat nouveau justement de liberté relative et d'égalité approximative entre les sexes, climat dans lequel un homme et une femme qui se plaisent condition toujours essentielle peuvent désormais se séduire sans se nuire ? Haut de page Notes 1 Le mot équivaut d'abord à trahison », puis tromperie par laquelle on fait tomber quelqu'un en erreur » 1564, aussi esprit de séduction, démon », sens vivant à l'époque classique […]. Désignant l'action d'entraîner par un charme irrésistible 1680, séduction prend au xviiie s. 1734, Voltaire le sens de moyen de séduire, de plaire » […] », Dictionnaire historique de la langue française, publié sous la direction d'Alain Rey ; Dictionnaires Le Robert, Paris, 1998 1re éd., 1992, 3 vol., article Séduction ». Aujourd'hui, séduire ne correspond plus qu'à l'idée de plaire », comme séduction. Cette valeur se développe au xviiie s., soutenue par les emplois de séduisant, séducteur et séduction », ibid., article Séduire ». 2 La procédure est conservée aux Archives départementales de l'Yonne ADY, sous la cote 9 B 939 bailliage de Vermenton. 3 Compagnon », au sens professionnel, celui qui travaille avec un maître-artisan, n'a pas de féminin. 4 Badiner implique que l'on se touche, souvent dans un simulacre de lutte c'est en badinant que Colombe et le tailleur tombent de l'établi la tête la première. 5 Littré, dans son Dictionnaire de la langue française, réédit. Gallimard-Hachette, 1968, cite deux textes concernant cette position caractéristique, l'un, du xive s., concerne les couturiers Et puis croisent les jambes ainsi que cousturier, Guesclin 22253 ; l'autre, du xvie concerne les couturières Les cuisses croisées, comme volontiers font les cousturières, Ambroise Paré, XIX, 11. 6 Marie Larivière, femme de Charles Cantin, serrurier, 34 ans, continuation d'information du 24 juillet, p. 4. 7 Témoignage de Charles Tumereau, menuisier, 41 ans, information du 19 juillet, p. 2. 8 Mouchoir de col ou mouchoir de gorge ? 9 Témoignage de Dlle Reine Cuisinier, fille de marchand, 20 ans, information du 24 juillet, p. 6. 10 Témoignage de la Dlle Toussaine Quincy, fille majeure, 47 ans, 24 juillet, p. 8. 11 Ibid., p. 11. 12 Ibid., p. 4. Plusieurs variantes. 13 Ibid., p. 9. 14 Un homme, beau-frère de l'épouse du tailleur, témoigne que si elle se plaint, elle n'a pas si grand tort [lui] ayant dit que son mari avoit un petit couteau qui provenoit de la succession d'une tante qu'elle avoit demeurant à Paris, lequel étoit orné d'un peu d'argent sur le dos, et que ledit Paysan avoit dit à sa femme que ce couteau étoit trop propre pour elle, qu'il falloit en faire présent à Colombe Bourdillat et qu'il lui en achèteroit un autre de 2 ou 3 sols 19 juillet, p. 3-4. Cette circonstance et d'autres, ajoute-t-il, occasionnoient un mauvais ménage et une espèce de divorce entre ledit Paisan et sa femme. 15 24 juillet, p. 4. 16 Elle déclare ne savoir signer, contrairement à plusieurs femmes qui seront citées à comparaître. En revanche, son maître la fait lire, toujours sur le fameux établi voir plus loin. 17 Tableau généalogique, p. 75 18 Témoignage de Charles Tumereau, menuisier, 41 ans, 19 juillet, p. 1. 19 Témoignage de Catherine Bonnet, 39 ans, épouse du précédent, ibid., p. 4. 20 Ibid., p. 3. 21 Marie Larivière, 34 ans, rapporte les propos d'Anne Mignout au sujet de Colombe et de son mari et plusieurs autres discours impertinents et qui dénotent une jalousie entierre [sic] de la part de ladite Mignout, 24 juillet, p. 4. 22 Toussaine Quincy, 17 août, p. 10. 23 Henry Boudin le jeune, vigneron, 17 août, p. 3. 24 Et les auditrices du séminaire pratique d'archives d'observer que le tailleur fait donc des robes, ce qui explique la présence de femmes travaillant chez lui Colombe et d'autres qui restent quelques jours et de clientes qui viennent acheter du tissu et essayer leurs nouveaux vêtements. 25 Nourrice car nourrissant alors un bébé un témoignage la décrit tenant un enfant dans ses bras, c'est probablement sa fille Reine-Marie, née le 31 janvier 1753. 26 Témoignage de Claudine Lardri, 65 ans, 17 août, p. 11. 27 Témoignage de la Dlle Quincy, 24 juillet, p. 9. 28 Lorsque des garçons, parents ou alliés de l'épouse, viennent plaisanter grossièrement Colombe jusque dans la boutique où elle travaille, cela l'oblige à se retirer, avec une autre ouvrière qui travaille avec elle ce jour-là, dans la rue où elles mangent toutes deux un morceau de pain en attendant leur départ, 17 août, p. 1 et 2. 29 Si son pere Scavoit Cela il lui donneroit des Coups de Baton, Jacques Vincent, beau-frère de Michel Paysan, cité par la Dlle Quincy, 17 août, p. 9. 30 Un autre témoignage sur l'escapade de Cravant est plus explicite ou plus critique Colombe ne voulut ni boire ni manger jusqu'à ce qu'elle eût trouvé ledit Paysan, et que l'ayant trouvé [à l'auberge] elle lui dit Ah ! Mon Cher ami, vous voilà ! et que Paysan ne lui répondant rien elle lui en fit des reproches […] il est probablement attablé avec d'autres hommes et l'on sait qu'un homme ne doit pas montrer ses sentiments, surtout à ses pairs. 24 juillet, p. 6 ; suivant une troisième version, elle se serait écriée, mon petit ami Paisan, c'est pour vous plaire que je suis venue à Cravan ! 24 juillet, p. 5. Tout cela, bien sûr, devant quantité de gens. 31 Le mot revient souvent. C'est en badinant ensemble et se chatouillant sur l'établi que le tailleur et Colombe finissent par tomber par terre la tête en bas le tailleur s'aperçoit que Colombe a les jupes relevées et étant plus agile qu'elle, les rabatit. Toujours en badinant, ladite Bourdillat avec ledit Paysan lui passoit la main sur le visage, lui disant Mon petit ami, que je vous aime donc » ! Marie Boivin, 34 ans, 17 août, p. 7. Badiner implique donc toujours des gestes, un contact physique. Quant à l'amitié, on sait combien elle traduit l'affection entre promis, entre conjoints, ou entre parents et enfants, le mot amour n'étant presque jamais employé. Mon petit ami » a donc pour elle et pour lui le sens de mon amoureux ». 32 Témoignage de Marguerite Perreau, femme de Philippe Marthe, vigneron, 50 ans, 24 juillet, p. 2. 33 Dans sa préface à une édition de la correspondance de Diderot, Laurent Versini note que la correspondance amoureuse la plus authentique ressemble souvent, au xviiie siècle, aux correspondances fictives et aux secrétaires pour apprendre à bien rédiger les lettres », Diderot, Œuvres, t. V, Correspondance, édition établie par Laurent Versini, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins », 1997, 34 Louis-Sébastien Mercier, dans un texte célèbre, marque bien la différence à cet égard entre femmes de boutiquiers et d'artisans et femmes de procureurs ou de notaires. Les premières travaillent de concert avec les hommes, et s'en trouvent bien ; car elles manient toujours un peu d'argent. C'est une parfaite égalité de conditions ; le ménage en va mieux. En comparaison les femmes des gens de plume ne sont rien ; elles n'obtiennent quelque chose que des libéralités volontaires de leurs maris, et de plus, n'ayant rien à faire s'ennuient à mourir, Louis-Sébastien Mercier, Le Tableau de Paris, introduction et choix de textes par Jeffrey Kaplow, Paris, La Découverte, 1985, 352 p., chap. Femmes d'artisans et de petits marchands », p. 134-135. 35 En revanche, et en Bourgogne au moins, la séparation de l'espace masculin et de l'espace féminin ne s'inscrit pas dans la topographie, et ne concerne pas la vie quotidienne autant que dans ces régions du Sud-Ouest ou du Midi où, sur la place du village débit de vin et assemblée de communauté délimitent l'espace masculin, le lavoir et le four communs circonscrivent l'espace féminin, Jean-Pierre Gutton, La Sociabilité villageoise dans la France d'Ancien Régime, Paris, Hachette littératures, 1979, réédit., coll. Pluriel », 1998, 288 p., p. 74. En Bourgogne, la place aussi bien que la rue sont à tout le monde. Sur les rues ou les quartiers d'artisans spécialisés, voir le chapitre Partage de l'espace », dans Emmanuel Le Roy Ladurie dir., Histoire de la France urbaine, t. iii, La Ville des temps modernes, Paris, Seuil, coll. Points-Histoire », rééd. 1998, 660 p., p. 432-438. 36 Dans ses analyses des minutes d'un notaire de Seignelay et d'un notaire d'Auxerre pour une période allant de la fin du xvie à la fin du xviiie siècle, un archiviste de l'Yonne a dénombré des contrats d'apprentissage dans 72 métiers différents, dont 3 seulement concernaient des femmes couturières 37 contrats mentionnés, lingères 7 contrats et sages-femmes 1 contrat Henri Forestier, Répertoires et inventaires de fonds déposés par les notaires de l'Yonne. Etudes de Me Rolland Sampic, notaire à Seignelay, et de Me Louis Jouvin, notaire à Auxerre, Auxerre, 1942, 464 p. 37 Le monopole qu'avaient les tailleurs parisiens de fabriquer tous les vêtements, masculins aussi bien que féminins, est battu en brèche, à partir de 1675, quand le gouvernement royal a reconnu l'existence juridique de la communauté des maîtresses-couturières », Daniel Roche, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècle. Paris, Seuil, coll. Points-Histoire », 1989, 376 p., p. 286. Un texte, dont est malheureusement égarée la référence, fait intervenir une jeune femme qui propose de travailler chez un tailleur qui sait faire des patrons de robes, et chez qui elle apprendra bien plus vite, dit-elle, que chez une couturière, ADY, bailliage de Saint-Florentin, xviiie siècle. 38 Dans les contrats d'apprentissage du métier de couture, on rencontre le terme d'ouvrière, notamment chez le notaire de Vermenton, François Collet, ADY, 3E64 /103, 1755-1756. Un contrat devant un notaire de Sens parle cette fois d'apprentie, pour une durée de 18 mois, chez une couturière mariée, moyennant 110 livres, ADY, 3E 22/809, 13 août 1730. 39 Colombe ne loge pas chez le tailleur et retourne sans doute chez son père le cordonnier, qui habite une rue proche, pour dormir. Le jour de la fête de Cravant, son père à qui elle avoit demandé la permission d'y aller, s'y oppose. Michel Paysan, sa petite fille et sa nièce, qui l'avoient attendue fort longtemps, partent pour Cravant sans elle, 17 août, p. 8. À la demande d'Anne Mignout et de la demoiselle Quinci, elle finit par accepter de s'y rendre l'après-midi, avec réticence, ayant remontré à la déposante que si son père le scavoit, il la gronderait et la pourroit battre, mais elle s'y détermina sur ce que la déposante lui dit qu'il n'en scauroit rien et qu'ils reviendraient pour Vêpres, ibid. 40 Les témoins se réfèrent soit à des dates de fêtes les mercredi et jeudi saints derniers, donc juste avant Pâques, Marguerite Aubert, 26 ans, 17 août, p. 3 et 4, soit à des périodes plus éloignées et situées alors très approximativement il y a environ deux mois et demi à trois mois, Barbe Mailin, 17 août, p. 1. En tout cas, la présence de Colombe au logis du tailleur a duré longtemps. 41 Jean-Pierre Gutton, op cit., p. 51. 42 Nicolas Rétif de La Bretonne, La Vie de mon père, éd. G. Rouger, Garnier, 1970, et pour une interprétation Emmanuel Le Roy Ladurie, Du social au mental une analyse ethnographique », in George Duby et Armand Wallon éd., Histoire de la France rurale, t. II, L'Age classique, Paris, Seuil, 1975, 624 p., p. 496-501. 43 Les mêmes qui feraient un charivari si Colombe épousait un veuf, ou une veuve un jeune célibataire. 44 Témoignage de Barbe Mailin, 30 ans, 17 août, p. 1 et 2. 45 Le texte ne mentionne que deux pièces la boutique devant et la chambre derrière, avec son four, à la fois cuisine et chambre à coucher, d'où l'épouse, faisant la dormeuse, peut écouter la conversation entre son mari et Colombe, assis sur l'établi. Quand les amoureux veulent se cacher, ils vont dans l'écurie mais ils ne peuvent cacher qu'ils y vont ! 46 Ce serait vrai aussi entre deux hommes, mais dans un climat différent, de camaraderie ou de mutuelle tolérance, sans doute proche de celui de l'atelier ou du cabaret. Faut-il ajouter qu'une attirance homosexuelle, même ressentie, est en ce temps et en ce lieu proprement indicible ? C'est déjà assez compliqué entre un homme et une femme qui se désirent et n'en ont pas le droit ! 47 Témoignage de Marguerite Aubert, fille majeure, 26 ans, étant chez ledit Paysan à travailler de son métier de couture avec Lad. Colombe Bourdillat, 17 août, p. 4. 48 Témoignage de Marie Boivin, 34 ans, travaillant sur le port de Vermenton et logeant chez ledit Paysan, 17 août, p. 7. 49 Contrairement aux ordonnances, les curés de Vermenton négligent d'indiquer l'âge des conjoints. Ils précisent cependant s'ils sont mineurs, ce qui implique que les autres sont majeurs c'est le cas pour Anne Mignout, âgée de 25 ans ou plus quand elle épouse Michel Paysan. 50 Dans cette région et à cette époque, on qualifie indifféremment de vigneron ou de manouvrier quiconque n'a pas encore de statut bien établi, et c'est le cas pour les garçons mineurs comme Michel Paysan, qui ne deviendra tailleur qu'après son mariage. 51 ADY, Contrôle des actes de Vermenton, fol. 22 vo, 10 novembre 1745. Acte passé devant Collet, notaire à Vermenton, le 31 octobre. 52 Il est possible que le ménage ait d'abord vécu à Cravant, d'où venait Michel Paysan. Cela expliquerait le silence des registres paroissiaux de Vermenton entre leur mariage, en novembre 1745, et la première naissance, enregistrée en octobre 1749. 53 ADY, C. 4371, Contrôle des actes de Vermenton, fol. 40 vo et 41. Ces huit contrats concernent un manouvrier, un compagnon de rivière, cinq vignerons et un tonnelier. 54 Nombreux monitoires épiscopaux condamnant cette pratique au xviiie siècle, sans succès. Colombe ayant fait parler d'elle » avec le tailleur, son mari risquait théoriquement d'être cocu. 55 Barbe Mailin, 17 août, p. 1. 56 Voir passage cité, note 33. 57 Même alors elle le repousse quand il se montre trop pressant, quitte à donner de la tête contre une porte ou une échelle en cherchant à lui échapper, mais cela fait partie des rituels passablement brutaux des amours paysannes » et autres décrites, à travers Rétif notamment, par Jean-Louis Flandrin, Les Amours paysannes, xvie-xixe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, coll. Archives », 1975, 256 p. Une fille non mariée ne pouvait pas dire oui, même si elle était amoureuse trop de dangers la menaçaient, trop d'interdits pesaient sur les rapports sexuels des femmes hors mariage, surtout avec un homme marié ! 58 Il poursuit et elle fuit, selon les règles alors et depuis ? en usage. Voir, à propos de Jean-Jacques Rousseau, le beau chapitre de Claude Habib, Plaire, résister, céder », dans Le Consentement amoureux Rousseau, les femmes et la cité, Paris, Hachette-Littératures, 1998, 300 p., p. 102-117. 59 Marguerite Aubert, fille majeure, 26 ans, parente de ladite Mignout ne scait à quel degré, 17 août, p. 4. 60 Barbe Mailin, 17 août, p. 2. 61 Henri Boudin le jeune, vigneron, 17 août, p. 3. 62 Par contre on ne peut négliger une nette connotation de séduction, dans ce type de relation à la Pygmalion, de maître à élève. C'est le thème de la comédie musicale, d'après George Bernard Shaw, My Fair Lady ! 63 24 juillet, p. 6. 64 […] Et j'ai répliqué qu'autrefois on buvait plus qu'on ne fait, on ne jouait guère moins, on chassait, on montait à cheval, on tirait les armes, on s'exerçait à la paume, on vivait en famille, on avait des coteries, on fréquentait le cabaret, on n'admettait point les jeunes gens en bonne compagnie, les filles étaient presque séquestrées ; à peine apercevait-on les mères, les hommes étaient d'un côté, les femmes de l'autre. A présent on vit pêle-mêle, on admet en cercle un jeune homme de dix-huit ans, on joue d'ennui, on vit séparés ; les petits ont des lits jumeaux, les grands des appartements différents ; la vie est partagée en deux occupations la galanterie et les affaires. On est dans son cabinet ou dans sa petite maison, avec des clients ou chez sa maîtresse, Diderot, op. cit., p. 254, lettre des 14-15 octobre 1760. On remarque la curieuse transition que fait l'auteur entre un mode de vie à l'ancienne, aristocratique et rustique, et la vie urbaine et bourgeoise que l'on mène de son temps, partagée entre la galanterie et les affaires » et où l'on vit tantôt pêle-mêle » et tantôt séparés ». 65 Norbert Elias, La Société de cour, Paris, Flammarion, 1985. 66 Sa femme [de M. de Saint-Géran], charmante d'esprit et de corps, l'avoit été pour d'autres que pour lui ; leur union étoit moindre que médiocre. M. de Seignelay, entre autres, l'avoit fort aimée. Elle avoit toujours été recherchée dans ce qui l'étoit le plus à la cour, et dame du palais de la Reine […]. Sa viduité ne l'affligea pas. Elle ne sortoit point de la cour et n'avoit pas d'autre demeure. C'étoit en tout une femme d'excellente compagnie et extrêmement aimable, et qui fourmilloit d'amis et d'amies, Saint-Simon, Mémoires, année 1696, t. I, Paris, Pléiade, p. 286. 67 Plus celui qui commande met de disproportion et de distance entre lui et celui qui lui obéit, moins le sang et la sueur de celui-ci lui sont précieux, plus la servitude est cruelle, Diderot, op. cit., p. 253, octobre 1760. Des auteurs contemporains, prenant la défense de Sade, à propos des affaires de Marseille prostituées flagellées, sodomisées et empoisonnées, quoiqu'involontairement, par des bonbons à la cantharide et d'Arcueil flagellation invoquent l'inconsistance du crime » pour s'étonner de la sévérité des peines. C'est que l'opinion […] était depuis longtemps exaspérée de l'impunité accordée aux délits, voire aux crimes de libertinage, pourvu qu'ils fussent commis par quelque porteur de grand nom ». Sade, parodiant la flagellation du Christ en temps de Pâques, devient un coupable idéal Maurice Heine, cité par Gilbert Lély, Vie du marquis de Sade, Paris, Jean-Jacques Pauvert/Garnier Frères, 1982, 696 p., p. 122-123. 68 Arlette Farge, Vivre dans la rue à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard/Julliard, coll. Archives », 1979, passim. On pourrait comparer, mutatis mutandis, l'impunité du tourisme sexuel pratiqué aujourd'hui avec celle des élites » du xviiie siècle. 69 Toussaine Quincy, 17 août, p. 9. 70 Continuation d'information du 24 juillet, communiquée au procureur du roi, dont les conclusions sont du 26 juillet, p. 11 et 12. 71 6 août 1753, p. 13-14. 72 Elle y est authorisée par justice au refus dudit Paysan son maris encore un signe de relative autonomie de l'épouse au sein du couple. 73 Nicolas Rétif de la Bretonne, op. de page Pour citer cet article Référence électronique Jean-Paul Desaive, Le tailleur et son apprentie », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 24 2000, mis en ligne le 17 janvier 2009, consulté le 27 août 2022. URL ; DOI de page Droits d’auteur Tous droits réservésHaut de page

Lemaillet est, en effet, le symbole de l’intelligence qui agit et persévère ; celle qui dirige la pensée et anime la méditation de celui qui, dans le silence de sa conscience, cherche la vérité. Lors de l’initiation, le Vénérable Maître porte trois coups de maillet

SALOMON DANS LES TRADITIONS ESOTERIQUES La personnalité de Salomon, son existence et sa geste, ses multiples dons de pacificateur, de constructeur, de magicien, auront été repris dans les traditions les plus variées, les domaines les plus étranges. Le fils du roi David apparaît dans les mythes du compagnonnage puis dans ceux de la franc-maçonnerie, développés par les savants oxoniens du XVIIe siècle, comme Elias Ashmole, admis dans une loge opérative, ou plusieurs membres éminents de la Société Asiatique, au XIXe siècle. Peut-être avaient-ils suivi les consignes exprimées par Jung Les légendes ont remplacé les outils rationnels on y recherche les correspondances des personnages et des événements par une étude historique, biblique, l’archéologie, la philosophie dans un souci de l’appliquer à soi-même. La légende, au plan ésotérique, est une composante de la Tradition, une révélation exemplaire et sacrée, constituant un modèle pour la recherche humaine ». I – Salomon dans l’histoire Salomon n’est pas mentionné dans les annales mésopotamiennes. La tradition phénicienne est légendaire, Salomon aurait vendu à l’Etat Tyrien la ville de Khorbat Khozli et la Plaine d’Acre pour 120 talents d’or, et aurait eu recours au professionnalisme d’un bronzier tyrien, Hiram cf Bible, 1R7, 15-47. Les relations avec l’Egypte, qui de toute façon, à l’époque, était la puissance dominante, et Salomon dut accepter de se placer dans l’orbite politique de ce pays qui imposait la pax egyptica, sont relevées dans la Bible uniquement, même le mariage de Salomon avec la fille du Pharaon Siamoun 976-954 de la XXe dynastie. Une trace littéraire cependant, les Cantiques des Cantiques, ou chant de Salomon à la Soulamite parait influencée par les poèmes d’amour égyptiens de la XVIIIe dynastie autour de 1500 avant Quant au Yemen et à la Reine de Saba, les Sabéens commenceront à être connus hors de leurs frontières au VIIIe siècle avant seulement. Des doutes sont émis par les deux spécialistes sur l’authenticité des textes bibliques. Le Livre des Rois », qui traite abondamment de la construction du palais de Salomon, de celle du temple et de son mobilier, de l’établissement de douze préfectures, quadrillant les territoires s’étendant de l’Oronte ? à Gaza, est rédigé dans une langue tardive qui souligne les additions nombreuses présentant un aspect légendaire ou moralisateur la sagesse de Salomon par rapport à la conduite désordonnée de ses successeurs Roboam entre autres, avec le partage entre deux Etats Juda et Israël, conséquence des fautes de Salomon. Les Psaumes » attribués à Salomon seraient du Ier siècle avant et Le Livre des Chroniques » du 2e siècle avant puisqu’il met en valeur la préséance de la classe sacerdotale de cette époque. En fait en 63 avant une fièvre eschatologique se répand en Judée, préfigurant la destruction définitive du Temple 74 après II - Mondialisation de la symbolique salomonienne A Dans le domaine religieux Salomon se trouve présent dans les représentations iconographiques des Chrétiens d’Occident comme d’Orient, dans la fresque de Piero Della Francesca intitulée La rencontre de Salomon avec la Reine de Saba » ou dans cette église Saint-Clément à Ohrid, en Macédoine début du XIVe siècle où autour du Pantocrator on découvre avec Adam, les deux ancêtres de Jésus, le roi David barbu et son fils imberbe le Roi Salomon. Au cours du Colloque, il aura été évoqué le roi de Bretagne Salomon, et Salomon le Savoyard. On connaît le rôle politique des prétendues dynasties salomoniennes en Ethiopie, et la présence constante de Salomon, représenté en Constantin, dans les psautiers ou le rôle qu’on lui fait jouer, associé au roi des forgerons, parfois privé de trône par un démon source coranique, dans l’art talismanique des sceaux et des étoiles à huit branches dans ce pays. Les références à Salomon, particulièrement vénéré dans le monde islamique, sont au nombre de 17, dans 8 sourates. S’il n’est pas associé à la construction du Temple, M. L. de Premare a montré cependant que la sourate 52, versets 1 à 8, rappelait le livre des Rois I, 7, 3 et la sourate 36, le Livre de Jérémie. Avant même l’apparition de l’Islam, le poète arabe Dabira fait l’éloge du roi de Hira en le comparant à Salomon. Là aussi, ses dons de magicien, de manipulateur des djinns, reconnus dans le Coran influencèrent les occultistes arabes qui semblent avoir créé le mythe du sceau de Salomon. La plupart des pays musulmans évoquent cette personnalité prophétique, spirituelle, voire magique, comme au Yemen M. Christian Robin, en Iran Melikian-Chirvani, en Afghanistan et à la cour des Empereurs Moghols Mme Corinne Lefèvre, et en Asie Centrale où Zarcone a recensé les lieux dédiés au fils de David. B Dans le domaine du compagnonnage Dans chaque ville médiévale, s’étaient établies des corporations, chargées de défendre les intérêts professionnels des artisans et ouvriers, et qui étaient dirigées par les maîtres de métiers ». Parallèlement à ces organismes locaux, des ouvriers itinérants, indépendants, se regroupèrent dans des sociétés compagnonniques le terme de frère » pour cet emploi était apparu dès 842, qui établirent des règles strictes garantissant la défense mais aussi la compétence de ses membres. Le terme de compagnonnage » était apparu dès 779 et les différentes promotions dans les corps de métier s’effectueront par initiation tenue à l’abri des regards étrangers. Le Compagnon Fini » est celui qui a passé toutes les épreuves et est devenu maître » dans sa profession. Le terme apparaît en 1080, celui d’apprenti en 1175. Les apprentis et les compagnons font l’objet d’un enseignement initiatique basé sur des légendes tirées de la Bible. Ainsi des chérubins ceux qui gardent l’entrée du devir, le lieu le plus secret du temple de Jérusalem sont sculptés sur le couvercle du cercueil des compagnons menuisiers. Le patronage de Saint Jean Baptiste est également invoqué en liaison avec le Quatuor Coronati », quatre tailleurs de pierre exécutés par Dioclétien vers 300. Les confréries qui apparaissent à la fin du XIIIe siècle conservent une orientation professionnelle en même temps que charitable, dans l’esprit catholique également. Les textes fondateurs du Compagnonnage sont disséminés dans 130 manuscrits rédigés aux XIIIe et XIVe siècles et que la revue de la Grande Loge de Londres, Ars Quatuor Coronatorum » a publiés. Ainsi, en 1268, Le Livre des Métiers » d’Etienne Boileau recense cent un métiers, et la promotion interne qui les gère, soit les apprentis, les compagnons et les maîtres. La construction des cathédrales s’appuie sur trois métiers principaux, les tailleurs de pierre, les menuisiers et les forgerons ; leurs membres se réunissent dans des loges », installées, soit dans la crypte des cathédrales, soit dans un bâtiment annexe comme à Strasbourg. En 1283, Louis IX nomme Grand Maître de la maçonnerie opérative son compagnon croisé Guillaume de Saint-Petbus. Les membres de cette maçonnerie opérative, appelés parfois gavots » adoptent le nom de Enfants de Salomon » comme le signale Villard de Honnecourt à l’époque. C’est que pour eux, la construction d’une cathédrale est une réplique de la construction du Temple de Jérusalem. Le document appelé Regius » 1390 décrit les sept arts libéraux » et a comme titre Ici commencent les statuts de l’enseignement de la géométrie selon Euclide » . Géométrie » a le sens de maçonnerie ». On enseigne aux apprentis que la géométrie » a été préservée du déluge, retrouvée par Hermès, petit-fils de Noé, et qu’elle a été révélée à Charles Martel, dont un des architectes de la cour aurait participé à l’édification du temple de Jérusalem. Ainsi le mythe de Salomon se trouve adopté par la philosophie compagnonnique. Le Mouvement va connaître un certain nombre de scissions. En 1400, à Orléans, au moment de la reconstruction d’une des tours, un affrontement entre compagnons et moines surgit, et les indépendantistes » prennent le nom d’Enfants de Maître Jacques référence au Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay ? ou Compagnons du Saint-Devoir de Dieu » tandis que les catholiques fervents s’intitulent Enfants du Père Soubise référence à un bénédictin du XIIIe siècle ou à un maître artisan » de Salomon ». En 1404, le roi Charles V réforme les corps de métiers parisiens relatifs aux compagnons maçons et charpentiers. Un autre texte constitutif des anciens devoirs » paraît en 1410 sous le titre de Manuscrit Cook ». Au XVIe siècle des intellectuels comme François Rabelais 1483-1553 ou des inventeurs comme Bernard Palissy 1510-1590 vont être reçus en loge opérative comme maçon accepté ». Dans le Tiers Livre », Rabelais évoque la légende de Renaud de Montauban, qui aurait tué un neveu de Charlemagne, et se serait réfugié sur le chantier de la future cathédrale de Strasbourg. Il se serait conduit comme un excellent ouvrier, mais victime de la jalousie de ses collègues, aurait été assassiné. Ce thème sera repris dans la maçonnerie du XVIIIe siècle avec l’allusion au meurtre d’Hiram, l’architecte en chef de Salomon. Au XVIIe siècle, s’instaure une tradition écossaise de la maçonnerie opérative, particulièrement à Kilwinning. Un ouvrage polémique Le Mot du Maçon », publié en 1637 décrit la forme primitive de ce rite maçonnique. On sait que la maçonnerie spéculative écossaise jouera un rôle important dans le développement de la maçonnerie française avec l’exil des partisans de la dynastie Stuart en France. En 1646, à Oxford, Elias Ashmole 1617-1692 alchimiste célèbre, est également initié à la maçonnerie opérative, et plusieurs personnalités scientifiques oxoniennes joueront un rôle dans la création de la Grande Loge de Londres, à laquelle appartiendront 24 membres de la fameuse Royal Society ». A Perth, en 1658, les diplômes de maître maçon freeman » et de compagnon de métier font référence au Temple de Salomon », comme source des métiers. A la fin du siècle, à Aberdeen, on voit sur les tableaux de deux personnalités de la ville, Alexandre Petersen, diacre, et président de la Corporation d’Aberdeen, et Patrick Whyte, maître-serrurier, qu’ils sont peints, entourés des deux colonnes symboliques du Temple de Salomon. La Franc Maçonnerie spéculative va emprunter un certain nombre de références aux métiers et aux héros mythiques des Anciens Devoirs » du Compagnonnage. Dans les Constitutions d’Andersen voir plus loin, sont mis en parallèle l’architecte » pour son travail théorique et le tailleur de pierres » pour son travail manuel. Les appellations d’ apprenti » et de compagnon » sont conservées. Les instruments de métier sont reproduits sur le tableau de loge » dessin d’abord reproduit à la craie, sur le sol, puis sur un tapis mobile l’équerre, évoquant la croix serment de l’apprenti, le compas du Maître de Loge, la truelle pour cacher les défauts des frères » ; le fil à plomb échelle de Jacob, la règle loi morale de la Franc-Maçonnerie, le niveau égalité fraternelle sont mentionnés dans la Bible. Quant aux trois éminentes personnalités associées à la direction d’une loge, Salomon, Hiran roi de Tyr, et Hiram l’Architecte, elles seront le legs du compagnonnage à la maçonnerie spéculative naissante. C Dans le domaine de la Chevalerie Charlemagne, lui aussi aurait été perçu comme un nouveau Salomon. A son époque, la Bretagne on l’a vu plus haut sera fière de son roi Salomon, béatifié par la suite. Les Chansons de geste vont magnifier le mythe du Graal, apparu vers 1180, avec le Roi Arthur et les Chevaliers de la Table Ronde. Chrétien de Troyes, poète de la Cour de Champagne, crée le mythe d’une chevalerie légendaire avec ses héros Lancelot, Perceval, Eric, ainsi que Wolfram von Eschenbach 1210 avec son Parzival, dont le genre de vie et les aventures ont été analysées récemment en liaison avec les rois éponymes iraniens. Cette tradition va être adoptée au moment des Croisades par les Ordres Chevaleresques, les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui donneront naissance à l’Ordre de Malte, et dont le mythe survivra dans les loges dites de Saint-Jean », les Chevaliers Teutoniques créés en 1112 à Saint-Jean d’Acre et dont la Stricte Observance Templière Allemande au XVIIIe siècle constituera la version maçonnique, et les Chevaliers du Temple, symbole de confraternité universelle, dont plusieurs, au moment de leur persécution en France, se réfugieront auprès des Compagnons du Devoir. Ramsay, maçon écossais, attaché aux Stuart, dans un discours célèbre de 1736 rappellera l’antériorité de ces Ordres médiévaux Nos ancêtres les croisés voulurent réunir dans une seule confraternité les sujets de toutes les nations » par rapport à la Franc-Maçonnerie qui adoptera dans son Rite Ecossais Ancien et Accepté » le principe du Templier, porteur de truelle et d’épée, et institutionnalisera dans les grades supérieurs les plus élevés le titre de Chevalier Kadosh » sanctifié, même si des mises en garde officielles relativiseront ces emprunts Notre grade commémore l’Ordre Templier et s’en inspire sans pour autant prétendre en être le continuateur et l’héritier », pourra-t-on lire dans la littérature maçonnique. En tout cas, la franc-maçonnerie française s’ouvrira de fait à la haute noblesse, attentive à l’esprit chevaleresque. Le premier Grand-Maître français sera le duc d’Antin, en 1738, le deuxième le comte de Clermont en 1743. Le pouvoir ne tracassera presque pas la maçonnerie. En 1789, cette dernière comptera 629 loges et 30 000 maçons auxquels il convient d’ajouter les loges d’adoption féminines, dont la Grande Maîtresse sera la Duchesse de Bourbon. Une enquête portant sur la recension de 268 maçons en 1780 dénombrera parmi eux 78 % appartenant au Tiers-Etat, 18 % à la Noblesse et 4 % au Clergé. III – Textes constitutifs de la Franc-Maçonnerie L’intention de l’auteur n’est bien sûr pas de dévoiler des secrets déjà publiés d’ailleurs dans toutes sortes d’ouvrages destinés au grand public mais d’examiner l’instrumentalisation du mythe de Salomon, telle qu’on la découvre, comme on l’a vu, dans la structure initiatique opérative du compagnonnage, et comme on va le voir dans la structure initiatique philosophique de la Franc Maçonnerie. Patrick Négrier, David Stevenson, après Mircea Eliade, sont en mesure de nous apporter sur ce terrain des ouvertures très précieuses. Tout d’abord, il semble que la tradition hermétique écossaise, évoquée plus loin, ait parfois conduit à une ambiguïté sémantique . En effet l’ancien nom d’Ecosse, Calédonie » a été rapproché abusivement de Chaldée », sans doute par référence biblique et l’utilisation de personnages historiques iraniens comme Cyrus dans le rituel des hauts grades ; il ne faut pas oublier qu’à l’élaboration des rituels maçonniques participaient des intellectuels latinistes et hellénistes, mais aussi des chercheurs qui avaient pu lire les récits de voyage en Orient et s’étaient intéressés à l’histoire de l’Orient ancien et moderne. Ramsay lui-même écrivit un ouvrage consacré à Cyrus. Cette tradition calédonienne » en tout cas rappelait que trois degrés » d’initiation avaient été préservés depuis l’antiquité, un niveau opératif, celui des artisans, le niveau spéculatif des druides, enfin le niveau hermétique de l’architecture sacrée, dont un représentant illustre était Vitruve, qui avait été le maître à penser de Marc Aurèle. La référence à l’écossisme se retrouvait tout au long du Moyen Age avec Clément Scot, conseiller de Charlemagne, Jean Scot Erigene, conseiller de Charles le Chauve, Michel Scot de l’empereur Henri II, et un autre Michel Scot, conseiller de l’Empereur Frédéric II. Dans le texte de ses Constitutions » 1723, évoquées plus haut, Andersen décrit de manière lyrique le Temple de Salomon Celui-ci fut commencé et achevé, à l’étonnement du monde entier, dans le court espace de temps de 7 ans et 6 mois, par cet Homme très sage, ce très glorieux Roi d’Israël, ce Prince de la Paix et de l’Architecture que fut Salomon, fils de David ». Une description de plusieurs pages va suivre et l’auteur va directement relier la tradition salomonienne à la franc-maçonnerie De sorte qu’après l’édification du Temple de Salomon, la Maçonnerie fut améliorée dans toutes les nations voisines, car les nombreux artistes employés par Hiram Abif se dispersèrent, après son achèvement, en Syrie, Mésopotamie, Assyrie, Chaldée, Babylone, chez les Mèdes, en Perse, Arabie, Afrique, Asie Mineure, en Grèce et dans les autres pays d’Europe où ils enseignèrent leur Art libéral aux Fils nés libres des Personnages éminents…Mais pas une nation, seule ou unie aux autres, ne pouvait rivaliser avec les Israélites, et encore moins les surpasser en Maçonnerie ; et leur Temple resta le constant modèle ». Les Constitutions d’Andersen n’évoquent que les deux premiers grades de la Maçonnerie, apprenti et compagnon. Il semble que ce soit vers 1725 que pour parachever la hiérarchie des grades, on introduisit un troisième degré, celui de Maître » ; c’est ce qui ressort d’un ouvrage polémique publié, à Paris, en 1726, sous le titre Le Maçon Antédiluvien ». Le mythe salomonien de la construction toujours renouvelée du Temple bénéficie de la présence de l’architecte du temple, Hiram, dont le nom est en tout cas cité dans le Livre des Rois. Il faut dire que l’institution maçonnique introduit dans son rituel le mythe du meurtre fondamental traditionnel. En Egypte, le meurtre d’Osiris, en Phénicie de Melqart le roi Hiram de Tyr aura fait construire un temple à Melqart, à Rome entre Romus et Romulus, souligne le thème de la lutte du bien contre le mal. Mais le concept était déjà présent dans le compagnonnage. Un document d’Edimbourg de 1696 parle du relèvement du cadavre d’Hiram par les cinq points du compagnonnage ». Les cinq points » correspondaient aux cinq points » du calvinisme tels qu’ils avaient été adoptés par le Synode de Dordrecht 1618-1619. Le catéchiste Graham avait souhaité assimiler les rois d’Angleterre des XVIe et XVIIe siècles à Salomon, Hiram représentant la communauté calviniste. On avait là une implication conjoncturelle. Le 3e degré de la maçonnerie va donc expliciter les différentes fonctions de Salomon, du roi de Tyr Hiram, et de l’architecte Hiramabi, et annoncer les degrés suivants, dits de perfection », de tradition salomonienne et qui vont apparaître vers 1738. Le rituel de loge sera dorénavant inspiré par le meurtre d’Hiram, comme l’indique le Manuscrit Wilkinson 1730 La loge est un carré long. C’est la forme de la tombe de notre Grand Maître Hiram ». La loge reconstitue le chantier du temple de Jérusalem, et celui qui la préside est un Hiram ressucité. L’Hiram de la Bible apparaît donc dans le Livre des Rois et les Chroniques ». Salomon II Chroniques II, 2 s’adresse à Hiram roi de Tyr pour lui expédier des cèdres. Ce dernier lui répond Je t’envoie un homme sage, possédant l’intelligence, Hiram Abi ». Dans le Livre des Rois » VII,13-14, on apprend qu’Hiram Abi est fils d’un Tyrien et d’une Juive, qu’il érigera les deux colonnes de cuivre Jakin et Boaz devant l’entrée du Temple, qu’il construira la Mer d’Airain » bassin des ablutions et qu’il terminera tous les travaux ». Mais il n’est pas mentionné dans le texte biblique qu’il était architecte et qu’il fut tué. Dans la légende d’Hiram adoptée par la tradition maçonnique, Hiram devient le prototype de l’homme juste, fidèle au devoir jusqu’à la mort. Il refuse en effet de livrer des secrets à trois contremaîtres du chantier du Temple qui veulent être promus le plus vite possible, et il est assassiné par ces trois mauvais compagnons », que douze autres contremaîtres poursuivront et tueront également. Bien sûr, dans l’esprit religieux de l’époque, existait une corrélation entre Hiram et Jésus, condamné par trois personnages, Caïphe, Hérode et Pilate. Cet assassinat d’autre part préfigure négativement la destruction du Temple, mais aussi positivement, la nomination d’un nouveau maître. Sur le tableau de loge, au grade de maître, figurent un crâne représentant le drame du Golgotha et le meurtre d’Hiram, et des larmes exprimant le repentir de Pierre et le chagrin de l’injuste destinée d’Hiram. Ces interprétations et ces rapprochements considérés comme hasardeux de symboles religieux et philosophiques conduit Rome à publier, en 1735, une bulle antimaçonnique In Eminenti » reprochant aux participants catholiques en loge de fréquenter des non-catholiques, et regrettant la présence d’ecclésiastiques dans ces réunions. En 1781, l’évêque de Grenoble Mgr de Bouteville est ouvertement franc-maçon, et la loge La Parfaite Union de Rennes », en 1785, compte qu’un cinquième de ses membres est composé de religieux. Zarcone a d’ailleurs montré que même des musulmans avaient été initiés dans des loges européennes. Comme nous l’avons vu plus haut, et grâce à Ramsay, le personnage de Cyrus sera instrumentalisé dans le rituel maçonnique dans les hauts grades . Le 15e degré évoque la Cour de Cyrus et le 20e degré lui donne un rôle important. C’est que le Roi Perse, en libérant les Israélites de Babylonie, permettra la construction du deuxième Temple de Jérusalem cf les livres d’Esdras et de Néhémi dans la Bible. Ces hauts grades, établis par Etienne Morin en 1761, dans le cadre du Rite Ecossais Ancien et Accepté, seront au nombre de 33. Ils vont à plusieurs reprises évoquer l’action mythique du roi Salomon. IV – Le mythe de Salomon dans la franc-maçonnerie Salomon apparaît dans plusieurs livres de la Bible, outre les Chroniques et le Livre des Rois, dans le Livre des Proverbes, le Cantique des Cantiques, l’Ecclesiaste, la Sagesse, les Psaumes. Ce sont ses connaissances scientifiques qui sont soulignés la phytologie La Sagesse 4, 4-5 ; 6, 15, la zoologie Proverbes 6, 6-11 ; 26, 11 ; 28, 15 ; l’Ecclésiaste 3, 19-21 ; 9, 12 ; La Sagesse 5, 11, la cosmologie et l’astronomie l’Ecclésiaste 1, 7 ; 3, 1-8 ; 11, 3 ; La Sagesse 2, 2-5 ; 19, 18-21 ; les Proverbes, 25, 23. Ainsi que son approche philosophique 1 Rois 5, 13 ; La Sagesse 7, 15-21 par le symbolisme des sept planètes errantes. La Bible le fait voir en homme sage, voire exemplaire par son don du discernement afin de juger équitablement et son esprit de tolérance puisqu’il autorisera, à la fin de son règne, la pratique des cultes de ses épouses, moabites, hittites ou sidonites. Ce qui entraîne le problème de la responsabilité, cher aux francs-maçons. Son nom en hébreu Schlomo est à rapprocher de Shalom, paix, qui génère un état d’harmonie et de prospérité ; le Coran reprendra ce thème de correspondance entre Suleyman » et Salam » la paix. A un plan supérieur, il est hissé au niveau de prophète » comme dans le Coran, les commentateurs rappelant qu’il n’y a pas d’autre prophète déclaré vivant à son époque. Certains ont pu le comparer à Jésus cf Nathan, 2 et Samuel 7, 14 Je serai pour lui un Père, dit Yahvé, et lui sera pour Moi un fils », et dans les Psaumes 2, V ; 7, on lit ces autres paroles de Yahvé qui lui sont adressées Tu es mon fils, Moi aujourd’hui, Je t’ai engendré ». Le rôle de bâtisseur de Salomon est aussi souligné à l’occasion de l’érection du Temple de Jérusalem 1 Rois 10, 1 qui prit 77 mois et dont la façade aurait imité le modèle fourni par les anciennes huttes des bergers mésopotamiens comme la famille d’Abraham. La Genèse 33, 17 parle de hutte bâtie » par Jacob, et si l’Exode est présenté comme une quête de pâturage, la construction d’un Temple pour abriter l’Arche d’Alliance jusque là itinérante, souligne la sédentarisation des Hébreux en arabe Aber », celui qui parcourt les espaces, comme toutes les langues sémitiques. Sur une terrasse de 110 mètres de long sur 88 mètres de large, l’édifice aura 33 mètres de long, 11 mètres de large et 16,5 mètres de hauteur. Les rochers qui affleurent servirent d’autel des sacrifices pour les trois temples successifs ; ils seront recouverts par la Coupole du Rocher » par le Calife Abdelmalek 685-691 et réintroduits dans l’imaginaire musulman avec l’empreinte d’un pied attribué à Mohammed au moment de son ascension céleste. Ce temple sera détruit en 586 avant par les Perses ; un deuxième temple sera érigé par Zorobabel en 450 avant Ezechiel aura été missionné pour décrire le temple de Jérusalem aux Juifs de Babylone, insistant sur sa représentation du personnage créateur, du cosmos et de chaque être humain, notions instrumentalisées par les Francs-Maçons dans leur loge. Le troisième temple sera construit par Hérode le Grand, détruit par Titus en 70, et rasé par Hadrien en 135 de notre ère. Dès le grade d’apprenti, la symbolique du Temple de Jérusalem apparaît dans le vestibule qui leur est réservé, rappelant les 15 marches extérieures du temple, le heykal » ou partie centrale, où s’assemblent les maçons, et que l’on considère comme centre du monde », transformable parfois au niveau des Maîtres, en Dévir » ou Chambre du milieu ». L’architecture intérieure et le mobilier, évoqués dans la Bible sont présents dans la loge , les deux colonnes du temple encadrent le dévir », le tableau de loge symbolise les marches d’entrée du Temple, les fenêtres à cadres et à grilles ; la pierre rappelle le 1er Livre des Rois V,32 Les maçons de Salomon, de Hiram et les guiblins de Byblos équarissaient et façonnaient le bois et la pierre pour l’édification du Temple » ; les grenades figurant sur le chapiteau des colonnes représentent, comme l’indique Patrick Négrier la multiplicité des principes comportant l’Etre », le chandelier ménara à sept branches cf Genèse, 1, 11 à 13 et enfin le pavé mosaïque évoquant la terre sainte du Sinaï. Salomon est souvent présent dans le rituel maçonnique ; s’il clôt le premier des cycles de l’initiation, il ouvre les degrés dits salomoniens. Au 4e degré, la loge est présidée par Salomon, au Rite Ecossais Ancien et Accepté, et la Bible, présente sur l’autel » est ouverte au premier livre des Rois ; les maçons déplorent la mort d’Hiram. Au 6e degré, Salomon et Hiram président les activités de la loge, et par une référence souchée sur le Livre des Rois LX 11 à 13, Salomon pardonnera à un visiteur curieux, en fait l’impétrant, d’être venu s’informer en toute bonne foi. Au 8e degré, Salomon recherche un responsable pour le nommer à la tête des cinq ordres d’architecture. Les 9e, 10e et 11e degrés décrivent des rites de vengeance décidés par Salomon. La légende développée au 13e degré où le Président représente Salomon a été décrite dans le Manuscrit Francken », présenté en France, comme on l’a vu plus haut, par Etienne Morin, en ces termes Ce roi vertueux Salomon, supposant qu’avant le Déluge un temple avait peut-être été érigé sur ce lieu, et craignant que ce ne fût au culte de quelque faux dieu… ne voulut pas le construire là. Il partit donc et choisit la plaine d’Arunia ou Ornan ». C’est la légende du temple souterrain d’Henoch que reprendra le texte du rite maçonnique. Le président de loge représente encore Salomon au 14e degré. Au 27e degré, le mot de passe sera encore Salomon ». Ainsi ce dernier apparaît comme garant symbolique de la maîtrise sans défaut, du secret, et de l’influence spirituelle de celui qui, élu par ses pairs, dirige une loge maçonnique. Cette instrumentalisation européenne de ce personnage biblique de Salomon, dans les rites initiatiques, d’abord compagnonniques, puis chevaleresques, puis maçonniques, ne diffère pas,dans un triple rôle mis en valeur par la Bible, de roi, de prophète et de grand prêtre, de ce qu’il peut représenter dans des cérémonies exclusivement religieuses, comme l’ont montré plusieurs intervenants spécialisés dans d’autres régions du monde, asiatiques et africaines. En tout cas, la remarque de Jung On ne fabrique pas un symbole, on le découvre », s’applique bien à l’appropriation, par les sociétés initiatiques, du mythe salomonien.
Lz3tb9u.
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